Excité à l’idée de retrouver cette fascinante figure publique et créatrice, je suis allé voir Saint Laurent, de Bertrand Bonello. Je suis aujourd’hui déconcerté.
Il faut dire que le premier biopic sur le génie, Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert, présentait quelques maladresses. La construction du film et la fin de celui-ci nous laissaient pantois. Il est sans doute très difficile de retracer la vie de ce personnage hors du commun. Sa vie foisonnante de rencontres, de rebondissements et d’excentricités plus étonnantes les unes que les autres oblige le cinéaste qui s’attaque à celui qui est aujourd’hui un mythe à faire des choix et assumer des partis pris radicaux. La version de Lespert sur Yves était très largement sauvée par l’extraordinaire performance de Pierre Niney et de Guillaume Gallienne, entourés de rôles secondaires auxquels nous pouvions trouver un intérêt particulier, de par la couleur donnée aux personnages ayant été témoins de cette vie là, ou tout au moins par curiosité d’apercevoir une des nombreuses stars, en devenir ou confirmées, de ce casting impressionnant.
Le problème avec ce deuxième biopic de l’année sur Saint Laurent n’est pas le fait qu’il soit justement le deuxième. Le problème est bien plus profond que ça. Le réalisateur Bertrand Bonello nous confirme sa capacité à l’audace en nous emmenant dans un univers beaucoup plus cru et sans concession que chez Lespert. Ainsi, nous partons avec celui que nous connaissons maintenant presque par cœur dans ses hallucinations, désirs et délires dus à la dépendance pour les drogues et la fameuse difficulté de créer. L’hyper sensibilité de Saint Laurent est une chose difficile à vivre pour lui, Bonello nous l’explique bien, le spectateur est content de le savoir…et après ?
Les auteurs de ce film, Thomas Bidegain et Bertrand Bonello se sont tellement perdus dans les méandres de ce qu’ils pensaient pouvoir être un fil conducteur qu’ils en deviennent démagogues. Nous nous retrouvons face à un film de deux heures trente entaché de longueurs interminables et face à des scènes d’une simplicité bêtifiante. Saint Laurent tombe amoureux de Jacques de Bascher, ce qui fragilise son couple avec Bergé, le réalisateur ne trouve alors rien de mieux que de filmer Saint Laurent seul dans son lit, voyant de colorés serpents presque beaux mais évidemment mortellement venimeux. Quelle jolie métaphore des dangers du désir sexuel et de l’excès de drogue…
Outre la réalisation pure qui est un réel fardeau pour ce film, il y a les acteurs.
Une couturière de l’atelier d’une fausseté à vomir de honte ; une Valeria Bruni-Tedeschi d’ordinaire ancrée dans une approche intimiste et délicate de ses rôles qui en devient ridicule, le sait et laisse transparaître un malaise qui se transmet presque au spectateur ; un Pierre Bergé par Jérémie Renier tellement plat, fade, incolore, inodore et insipide qu’on en vient à se demander si son métier est vraiment de jouer ; un Louis Garrel qui se repose sur on ne sait quel acquis en jouant le moins possible, il en devient presque suffisant, laissant de côté la figure d’une richesse incroyable pour un jeu d’acteur de Jacques de Bascher ; un Helmut Berger qui se voit confier le rôle de Saint Laurent vieillissant mais qui n’a tellement pas de matière à jouer qu’il est contraint de faire des grimaces et gestes raffinés et féminisés sur son canapé tout en s’écoutant parler… Quel gâchis ! Enfin, un Gaspar Ulliel certes très beau, même nu comme nous le montre une scène du film – il faut bien combler le vide par du spectaculaire pour sauver les meubles -, qui se débat au milieu de cette fourmilière de mauvais jeux, qui déambule tel un petit enfant voulant sauver sa peau dans le labyrinthe de ce scénario bancal, qui fait ce qu’il peut, comme il le peut. Il nous fait presque oublier qu’il est lui, la performance n’est pas réussie mais au vue des circonstances on peut lui pardonner et considérer qu’il est bien le seul à tirer son épingle du jeu et donc, le seul point positif de ce film.
Comme pour le film de Lespert, celui de Bonello manque cruellement d’une radicalisation dans les partis pris de mise en scène, avec une différence, la version avec Pierre Niney étant épargnée par la performance des acteurs, ce qui est loin d’être le cas dans ce deuxième film qui n’est ni à faire, ni à voir et encore moins à récompenser.