Rêves de lac

Exposition jusqu’au 29 octobre 2017. Thermes historiques, Aix-les-Bains.

Figure singulière de l’architecture expérimentale du XXème siècle, Jean-Louis Chanéac est un esthète humaniste.
Cette exposition rétrospective éclaire le public sur les fondements de sa démarche.

Une période prospective.

De son vrai nom Jean-Louis Rey, Chanéac a œuvré durant toute sa carrière tel un précurseur dans des questionnements étonnamment actuels. Figure majeure de l’architecture prospective des années 60 et 70, il aspirait dans ses recherches à répondre à une demande d’habitat pour le plus grand nombre dans des conditions dignes ; cela dans un contexte marqué par la reconstruction d’après-guerre, l’exode rural, les vagues d’immigration ou encore l’appel de l’abbé Pierre en faveur des mal-logés. En 1965, il adhère au Groupement International d’Architecture Prospective fondé par Michel Ragon. Reconnu par ses pairs comme Louis Kahn ou Jean Prouvé, il a été lauréat du Grand Prix International d’Urbanisme et d’Architecture en 1969, faisant ainsi partie de ceux avec qui il fallait compter.

En 1971, il fonde l’association Habitat Évolutif avec Pascal Häusermann et Antti Lovag. Tels des frères d’architecture, ils se sont enrichis mutuellement tous trois tout au long de leurs carrières respectives en allant jusqu’à créer des éléments inter-modulaires afin que chacun de leurs propres modules soit compatible entre eux. Il a été admis à l’Ordre des Architectes en 1972. Cette première période prospective correspond à celle où Chanéac a plus projeté que réalisé et où il a pu poser les bases de toutes ses plus grandes idées.

Une architecture industrialisée-poétisée.

En comparaison à d’autres architectes expérimentaux, Chanéac pourrait être qualifié d’esthète dans le sens où il souhaitait que son architecture soit à la fois pratique, fonctionnelle, et ingénieuse sur le plan technique. Il se dégage de son œuvre une forme d’élégance. Chanéac prônait une architecture industrialisée-poétisée, terme de ses premières recherches. Il cherchait à concevoir un habitat modulaire qui pouvait aussi bien se construire industriellement, en série, que par tout un chacun, individuellement. Étant contre l’uniformité de la préfabrication, il essayait de faire en sorte que la différente association de ses modules puisse donner des formes originales et agréables.

À une époque où la conception assistée par ordinateur n’existait pas, Chanéac avait une grande capacité à visionner l’espace tridimensionnel en arrivant à concevoir des modules et mégastructures très complexes. Il s’intéressait très concrètement à la faisabilité pratique et n’avançait rien qui ne soit réalisable. Chanéac était un homme politique dans le sens où il voulait à rendre la ville vivable et agréable pour le plus grand nombre. L’habitat étant également une affaire de sciences humaines et sociales, il s’intéressait à ce domaine ainsi qu’à la philosophie, en autodidacte, autant que son activité prolixe le lui permettait.

Un régionalisme syncrétique.

Passé le cap de son architecture industrialisée-poétisée, où il était guidé par des formes généralement inspirées de son travail de peintre, il s’est posé la question de l’appropriation de son lieu de vie. En 1976, il réalisa sa maison à Aix-les-Bains qui est inspirée d’un moment de sa vie où il écossait des petits pois avec son grand-père, un temps heureux lié à un sentiment de plaisir, de sensualité.

Durant sa deuxième période qu’il qualifiait de régionalisme syncrétique, jusqu’à la fin des années 1980, Chanéac a essayé de raccrocher son architecture, qu’il voulait à valeur universelle, à l’attente traditionnelle des sociétés locales en redécouvrant, réinterprétant et en réalisant. Par la suite, il a plutôt voulu travailler sur la communication, l’inspiration, l’imagination et la transmission aux jeunes générations. Mais cette dernière période fut avortée par un accident de la route en 1993.

Un prétexte à la découverte.

L’exposition Rêves de lac est un prétexte à découvrir l’œuvre de Chanéac, non pas à travers un parcours biographique, mais en voyant notamment ses réalisations, équipements publics ou maisons individuelles, sur le territoire d’Aix-les-Bains et de sa proche région. Visites guidées, ateliers pour les plus jeunes ou conférence ponctuent ce temps fort comme un hommage rendu à un humaniste progressiste.

Image à la Une © Ville d’Art et d’Histoire d’Aix-les-Bains.

Kristina D'Agostin

Rédactrice en chef de Carnet d'Art • Journaliste culturelle • Pour m'écrire : contact@carnetdart.com

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