Antonella Lucarella

Exposition « Antonella Lucarella, peintures – Enrico Challier, sculptures » jusqu’au 21 octobre 2017. Galerie Au-delà des Apparences, Annecy.

Par leur démarche empreinte de la Renaissance italienne, les figures féminines gracieuses et silencieuses à l’apparente fragilité révèlent une force mystérieuse.

Comment définiriez-vous les figures féminines que vous représentez ?

Je crois que la nécessité de dialoguer avec sa propre ombre est un leitmotiv pour chaque artiste. J’ai toujours été obsédée par la beauté en tant que refuge, comme un antidote à l’angoisse, à la mort ; le regard qui pointe le réel comme un mystère indéchiffrable. D’où la représentation de figures féminines soustraites à la marchandisation et à la mise en série pour leur restituer leur caractère sacré et leur extraordinaire pouvoir de séduction.

Les femmes, leur âme, leur sexualité, ce mariage complexe de spiritualité et d’érotisme qui les caractérise. J’ai toujours été intriguée par l’identité féminine, par cette apparente fragilité qui cache le plus souvent une force extraordinaire, une habileté à tisser en même temps de multiples trames affectives comme mille et un fils rouges qui s’entrecroisent au cours d’une vie. Il est probable que je peigne ce que d’instinct je connais le mieux, étant moi-même une femme.

J’aime représenter dans mes œuvres la lancinante capacité de séduction féminine, souvent inconsciente, imposée quelquefois par la simple position d’une main ou par les regards complices de deux jeunes filles, ou bien voulue, construite comme une trame théâtrale complexe. Voilà qu’une boucle d’oreille, aux délicats entrelacs, devient la protagoniste absolue d’un visage. À d’autres moments la scène est capturée par le mystérieux artifice d’un vêtement.

Étant une artiste italienne, je mélange plus ou moins consciemment la mémoire historique qui m’est propre, la Renaissance, avec mon récit personnel. De temps en temps le miracle se produit. Les figures acquièrent une identité propre que les spectateurs, derniers maillons de la chaine, perçoivent par empathie et ainsi la boucle est bouclée. C’est le mystère de l’art.

Nudo con sfondo a righe – Antonella Lucarella. Technique mixte sur toile (100 x 120 cm).

Comment mariez-vous l’utilisation de différentes techniques ?

Comme je suis autodidacte, je ne me sens entravée par aucune technique en particulier. J’aime mélanger, utiliser des techniques anciennes et actuelles, en fonction du résultat que je veux obtenir. Ainsi une feuille d’or et de l’encre, de l’acrylique et de la sanguine, peuvent cohabiter à l’intérieur d’un même tableau, donnant lieu à des effets intéressants.

Quels liens feriez-vous entre le figuratif et l’abstrait ?

On le sait, en art, tout a été dit et tout a été fait. De multiples codes d’expression, en Occident, se sont succédé, surtout dans les cinquante dernières années, et cela a souvent entraîné l’effacement du langage précédent. Depuis toujours, je pense que les artistes, quel que soit le milieu créatif auquel ils appartiennent, doivent se sentir libres de se manifester avec n’importe quel moyen d’expression. C’est la qualité de leur travail qui les différencie et si elle est présente, l’œuvre d’art reflète sa propre musicalité.

Chaque artiste, dans son propre parcours, ressent presque toujours la nécessité de se confronter seulement à la matière et à la couleur, en excluant les images reconnaissables qui, inévitablement, absorbent toute sa concentration. Cela coïncide avec l’exigence d’effacement, c’est-à-dire inconsciemment le besoin d’affronter le vide. Identité et absence, images en abondance et raréfaction de la matière, c’est ici l’opposition mais aussi la complémentarité de ces deux langages.

Image à la Une © Nudo di schiena – Antonella Lucarella. Technique mixte sur toile (120 x 75 cm).

Kristina D'Agostin

Rédactrice en chef de Carnet d'Art • Journaliste culturelle • Pour m'écrire : contact@carnetdart.com

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