Boywd

Boywd

Le vrai.

Paysages devinés, tout juste rêvés, les carnets de voyage se couchent sur la toile. L’occidental part à la rencontre de cet oriental enfoui comme besoin vital.

Quelle est votre histoire avec la peinture ?

Elle s’est créée au fur et à mesure. Je suis un autodidacte, je me suis laissé porter dans différents domaines, et les choses ont évolué naturellement. Je ne pense pas qu’il faille forcément de grandes connaissances pour peindre.

Vous n’avez donc pas de diplôme ?

Il y a bien un diplôme de peintre avec les Beaux-Arts, mais est-ce qu’il y a un diplôme pour les gens qui ont fait de la peinture en tout temps ou pour les écrivains ou les cinéastes ? Non… Je pense que le diplôme est là pour rassurer les gens. Quand on est autodidacte, on se booste pour avancer. On se dit qu’il faut travailler plus, et être plus attentif à ce que l’on fait.

Depuis quand peignez-vous ?

Je peins depuis trente-cinq ans. Vers dix-sept ans, je me suis essayé à une carrière musicale, je nous voyais déjà en haut de l’affiche avec mon groupe, mais très vite, nous avons compris que nous n’étions pas si bons que ça. J’ai fait un choix personnel, et je me suis mis aux pinceaux. J’ai commencé à manger de la peinture, au sens propre, comme au sens figuré !

Boywd

Boywd

Comment décririez-vous votre peinture ?

Je n’ai pas de base classique particulière, je ne pense pas non plus être un bon dessinateur, car le dessin m’embête très vite. Ce que je fais est plus une esquisse qu’autre chose. Ce n’est pas abouti, le trait me chiffonne. Il me faut de la couleur très rapidement. Avec un pinceau tout va nettement mieux, mais c’est du travail. Contrairement à ce que les gens croient, rien n’est jamais acquis.

Avez-vous la toile en tête avant de la commencer ?

J’ai des images qui me viennent, mais en cours de réalisation, l’image peut très bien changer car ce que l’on a dans la tête à la base, ne correspond jamais au travail abouti. La décision de ce que va être la toile est prise par la palette, la couleur, et le premier coup de pinceau. Par exemple, si je démarre sur un bleu très clair, cela va influer plein de choses. Il n’était pas forcément prévu, mais je dois faire avec. Ensuite, j’essaie de me rapprocher de ce que j’imaginais au départ, mais je n’y arrive jamais… Je recommence le lendemain, en essayant d’arriver à ce que je veux, non pas par orgueil, mais par volonté.

Avez-vous des amis dans la profession ?

Oui, des amis que j’ai rencontré tout au long de mon parcours. C’est un vrai bonheur, car j’ai un boulot où l’isolement est quelque fois pesant. Dans le village, certaines personnes me connaissent depuis longtemps, mais je me sens isolé par rapport à ce que je fais, car j’ai du mal à parler de mon travail, et ils ne me comprennent pas bien, donc c’est un peu difficile. Le fait de rencontrer d’autres artistes est une grande chance, car c’est ce qui alimente un peu mon travail.

Boywd

Boywd

Êtes-vous influencé par ces personnes ?

Influencé non, car je pars dans des directions différentes. L’art ne sort pas d’un tiroir, j’ai toujours des références quelque part, des fois inconscientes, c’est ce qui taille un chemin, et même s’il y a des influences, j’ai ma propre transformation des choses.

Où puisez-vous votre inspiration ?

Pour mes cinquante ans, je suis parti au Viêt Nam, et ce fut un choc. Depuis, je retourne dans ce pays tous les ans, au moins quatre mois. Je fais des carnets de voyage qui deviennent, ou non, des sources d’inspiration. Ce ne sont pas des choses abouties, mais des photos faites à la main qui me servent d’outils de mémoire, et qui me permettent de me remettre dans l’ambiance de ce que j’ai vécu sur place. Me replonger dans ces carnets me donne envie de repartir. J’aime aller là-bas, ça me fait une pause, et même si je ne comprends pas la langue, ce n’est pas grave.

Vous touchez une sorte d’universalité en allant en Asie ?

C’est vraiment différent. Nous avons en commun des yeux, des oreilles, un nez, mais humainement parlant, nous avons des pensées différentes par rapport à la culture tout en ayant les mêmes niveaux de sentiments ou de perception des choses. J’aime les gens en général, mais je me barre en courant des quartiers touristiques. Je me sens à l’aise avec la population locale. Au départ, il y a une sorte de timidité, voire de réticence, mais le fait d’aller là-bas régulièrement brise les préjugés. Je retrouve les gens, les petites habitudes, les familles, les gamins qui grandissent…

Boywd

Boywd

En quoi est-il utile de regarder, acheter et connaitre vos peintures ?

Ça ne sert à rien et c’est pour cela que c’est bien. Je ne suis que le révélateur de quelque chose chez une personne. Quand on dit qu’un peintre a voulu faire passer telle ou telle chose, cela ne veut plus rien dire. Je propose des images, après je ne suis pas maitre de la résonnance qui va être provoquée chez les gens. Quand j’expose des toiles asiatiques, pour certains, cela va avoir un côté exotique, et pour d’autres, cela va révéler une mémoire enfouie quelque part dont ils n’ont pas idée. On peut faire des analyses, des études, des descriptions, cela fige les choses. Mais quand on les sent, à mon avis, c’est plus fort, même si on ne comprend pas toujours tout. D’un certain côté, décrire les toiles, c’est se rassurer.

Est-ce réducteur de décrire vos toiles ?

Non. On regarde une peinture avec une liberté, sans se poser de questions. Si on veut un registre plus descriptif, c’est une autre façon d’aborder les choses, un autre domaine. Il faut être écrivain pour utiliser les mots. Moi j’utilise les couleurs pour dire des choses qui sont perçues ou pas.

Dans dix ans, où serez-vous ?

Je n’en ai aucune idée parce que je ne sais même pas pour demain. J’ai un agenda qui est rempli de tout et de rien. J’aime bien noter les petits diners ou sorties avec des amis, plus que les choses importantes ou professionnelles ! Dans dix ans, je serai surement au Viêt Nam sur le bord d’une plage en train de peindre, la peinture est virale pour moi. Quand tu gouttes du bleu de cobalt, c’est fini, tu ne peux plus t’en passer, il en faut quelque part.

Avez-vous des états d’âme ?

Les états d’âme sont comme des sacoches derrière les mobylettes. C’est quand on commence à se poser des questions, à se mettre la tête entre les mains. Mais, là, en ce moment, j’ai pas d’état d’âme, je suis dans la vie, je suis vivant.

 Illustré – photographie à la une – par Carnet d’Art.

Be first to comment

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.