Circulation(s)

Circulation(s)

Le festival Circulation(s) présente le travail de quarante-six jeunes photographes européens sélectionnés après un appel à candidatures international. Initiative d’envergure lancée sur le constat d’un manque dans ce domaine, cette cinquième édition s’affirme comme un événement incontournable.

Céline Laurent, coordinatrice du festival, souligne la présence croissante d’artistes dont la pratique oscille entre photographie et travail plastique. Parmi ceux où l’objet, le document, l’archive, deviennent partie intégrante de la photographie, s’illustrent Jan Rosseel, Philippe Dollo, David Fathi ou encore Grzegorz Loznikow.

A découvrir jusqu’au 08 mars 2015 au Centquatre à Paris, prenons le temps d’un arrêt sur l’univers de six de ces artistes qui marquent ce bal photographique.

Clément Huylenbroeck propulse le spectateur dans une immersion décalée. Rencontre d’un photographe et d’un lieu, sa série « Communal Dream » traduit avec humour et dérision l’apogée éphémère de quelques filles portées sur un podium, dans un songe de gloire et beautés. Les détails mis en exergue sont les traces d’une utopie recomposée avec les moyens du bord dans la campagne belge, où l’éclat semble péniblement inatteignable.

Clément Huylenbroeck

Clément Huylenbroeck

 « Les miss vivent un rêve bon marché ; en une prestation fébrile et quelques sourires détartrés, elle s’y voient déjà. Face à une foule de regards excités, elles courbent leurs corps en une chorégraphie improvisée. Elles livrent leurs cheveux, leur chair, leur ongles, leur naïveté à un public pauvrement endimanché et imbibé de mousseux.

Leur tentative est belle ; le temps d’une pâle performance calquée sur la parade des miss nationales, elles fantasment, elles s’imaginent fleurons de l’élégance. C’est emportées par ce rêve qu’elles se galbent encore un peu plus et font gonfler les pantalons. Au terme de la soirée, le rêve communal se mue en un crève-cœur, une désillusion blessante ; les yeux globuleux se détournent, les bouches salivent désormais pour une autre. »
Clément Huylenbroeck.

Clément Huylenbroeck

Clément Huylenbroeck

Le photographe fait ressurgir ce « gros bordel » d’où émane une « atmosphère moite et cacophonique ». Il signifie pourtant son admiration pour ces filles qui participent à ces concours de beauté. « Ce ne sont pas les plus belles, et elles le savent. Elles confrontent leur chair. » Le contraste surgit entre la concentration des filles qui participent, et l’agitation de la fête alcoolisée qui s’installe autour de l’évènement. Une confrontation d’où émane une certaine empathie chez le spectateur qui observe ces rêves déjà envolés.

Dans sa série « Kids », Ola Lanko saisit les portraits de vingt-cinq adolescents emportés par l’euphorie des montagnes russes d’une fête foraine. Ces photographies en noir et blanc, au grain apparent, dont ne subsiste que le détail d’un visage détouré sont des fragments d’actions. Les visages sont décomplexés. Ils traduisent l’émotion incontrôlée de l’individu porté la découverte d’une sensation physique, forte et inconnue. Intrusion dans le détachement physique, ces photographies révèlent la liberté existentielle face aux contraintes physiques officieuses portée par la société.

Ola Lanko

Ola Lanko

Ola Lanko

Ola Lanko

Ces photographies rappellent la première série emblématique de Robert Longo Man in the cities, produite en 1979. Dessins au fusain sur fond neutre, la décontextualisation est similaire : l’attitude libérée des contraintes sociales est mise en exergue à travers une esthétique de la chute. Robert Longo réalise ses dessins à partir de photographies : emmenant ses amis Cindy Sherman, Larry Gagosian, Gretchen Bender, etc., sur un toit new-yorkais, il leur demande de reproduire la mécanique désarticulée du corps lorsqu’il tombe sous une balle.

 

Ola Lanko

Ola Lanko

Ola Lanko

Ola Lanko

La beauté du lâcher prise, où l’attitude est celle de l’individualité dans l’expérience. Ola Lanko exploite la capacité de la photographie à décontextualiser le sujet de son environnement. L’artiste peut alors donner un nouveau sens à l’image. Ici, Lanko crée le doute face à l’ignorance contextuelle : joie, peur, douleur, transe ? L’artiste interroge ainsi les possibilités de détournement des images photographiques vers la construction d’un langage visuel.
« Dans mon travail, je combine une approche rationnelle, usant de systèmes, de restrictions et de règles, avec la possibilité d’une forte émotion issue d’une expérience esthétique. »

Photographe portugais, Tito Mouraz explore le mythe. Sa série « Casa das Sete Senhoras » est le lien continu entre passé et présent, où le mythe entendu pendant son enfance subsiste dans un récit intime.

Tito Mouraz

Tito Mouraz

Tito Mouraz

Tito Mouraz

« On dit que la maison était hantée. Sept dames ont vécu ici, des sœurs célibataires. L’une d’elle était sorcière. Dans la maison des sept dames, j’ai appris ce qui existait avant moi en écoutant et en imaginant. J’ai commencé par faire des portraits de ceux qui ont toujours vécu ici et sont attachés à la terre, tout comme les arbres le sont … Cette série parle d’un retour systématique au même endroit. Une manière de témoigner des changements (pratiques agricoles, transformation progressive du territoire, vieillissement …). Telle une légende, mêlant magie et épouvante, cette expérience cyclique a été ma plus grande blessure. Cet endroit est un lieu d’affection, mais après tout, c’est bien ici que je suis né ! »

Tito Mouraz

Tito Mouraz

Tito Mouraz

Tito Mouraz

Portraits brutes et mélancoliques, personnages et animaux deviennent les protagonistes d’un mythe à s’approprier, entre lune, fumée et écho des arbres…

 « En Iran, nous n’avons pas d’homosexuels comme dans votre pays. » déclare l’ancien président iranien Mahmoud Ahmadinejad, le 24 septembre 2007 à l’Université de Columbia.

Laurence Rasti s’est rendue à Denizli, petite ville située en Turquie où des centaines d’Iraniens se réfugient le temps de trouver un pays d’accueil. Elle photographie ces individus venus chercher leur liberté. Liberté identitaire, liberté de genre, ces photographies interrogent la fragilité de ces droits à peine esquissés. Dans cette série intitulée « There are no homosexuals in Iran », l’anonymat des sujets témoignent de leur incertitude.

Laurence Rasti

Laurence Rasti

Laurence Rasti

Laurence Rasti

Enfant de la diaspora iranienne qui grandit en Suisse, Laurence Rasti créé une œuvre hybride, esthétique et poétique où s’articulent les codes de ses deux cultures. Ces photographies s’emparent de la dialectique du genre dans nos sociétés.

Laurence Rasti

Laurence Rasti

Laurence Rasti

Laurence Rasti

Erik Östensson regarde les éléments en dehors de l’appréhension qu’on leur accorde. « The Circle and the Line » est une série poétique au fort potentiel méditatif. Invitation à considérer les éléments comme entités esthétiques, les photographies d’Östensson transcendent le sujet. Le champ de perception des objets est élargi. Les corps et les matières s’entrelacent.

Erik Östensson

Erik Östensson

Erik Östensson

Erik Östensson

Erik Östensson

Erik Östensson

Erik Östensson

Erik Östensson

Les photographies architecturales de Catherine Leutenegger soufflent le nom d’une ville-fantôme : « Kodak city ». Fondée en 1892 à Rochester par George Eastman à l’ère industrielle, cette cité-société américaine révolutionne la photographie du XXe siècle. Une centaine d’années plus tard, virage numérique, Kodak s’effondre laissant dernière elle un espace chargé d’histoire et de vies terminées.

Catherine Leutenegger

Catherine Leutenegger

Catherine Leutenegger

Catherine Leutenegger

Catherine Leutenegger

Catherine Leutenegger

Catherine Leutenegger

Catherine Leutenegger

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