Épreuves de proximité.
Clémence Losfeld transforme ses photographies en machines fabuleuses, plus complexes, plus impertinentes que les communes du tout venant. Le portrait devient un « portant » qui à la fois « se donne » ou « se refuse ». Sa « maison » est plurivoque. Et si le corps, depuis toujours reste l’objet de la plus grande attirance, l’artiste lui accorde une autre proximité : « proximité psychologique mais surtout physique qui demeure primordiale dans ma relation instinctive à autrui » précise l’artiste.
La femme ne se réduit plus à ce qu’en disais Breton : « Fesses de printemps / Au sexe de glaïeul ». Clémence Losfeld fait le ménage dans la représentation, ce qui n’empêche pas à ses images d’être fascinantes. La photographe, tout en ne refusant la beauté classique, appelle à une autonomie de l’image. Celle-ci n’est plus une compensation ou une vengeance envers les pouvoirs masculins. Ceux-ci se contentent d’abuser à contresens du corps et de la vie de l’autre, de la prochaine. Pas tous néanmoins. Et c’est pour cela que la créatrice est proche autant d’artistes photographes masculins (Raoul Hausmann, Mark Cohen, Eugene Richards) que de Mary Ellen Mark.
L’œuvre appelle une manière d’être fondée sur une défense et illustration du féminin et contre son « immolation » par les standards de représentations. Un processus de déplacement remplace la hiérarchie des valeurs imposées par un rapport très immédiat et affectif aux êtres humains. Surgit une volonté poétique d’enrichir et de dépasser le temps afin de mieux permettre de ressentir l’éclatement des possibles là où tout semble fermé. D’où la tension entre une prise en compte du fini de la condition humaine et d’un infini singulier inhérent à chaque être.
Photographie à la Une © Clémence Losfeld, Fragments.