Entretien avec Séverine Métraz

Trois ruches et une demande en mariage.

Par ses collages Séverine Métraz jette de l’huile sur un sacré feu. Les comprendre c’est en devenir leurs hôtes sans pourtant y être a priori invité. Chaque collage fait du regardeur le rêveur insomniaque.

Parfois éros devient abstrait et les mots concrets. Romantique à sa manière l’artiste asperge ses femmes en dessous chics d’eau bénite ou de rose. Si bien que chaque œuvre devient un manteau de vision, le regardeur s’y enfonce comme dans un sable émouvant. Et lorsque des modèles sont  maigres comme un clou, elles rendent les hommes marteaux. Bref les collage de Séverine Métraz aime l’amour : mais qu’ont-ils à espérer des mâles ? Ceux-ci rêvent d’y trouver la clé de portes interdites : l’artiste se garde de la leur donner même si elle propose des canicules et qu’un brame circule, tordant les torses en goualantes plastiques.

Entretien avec Séverine Métraz (1)

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?

Ma principale devise : la journée appartient à ceux qui se lèvent tôt.

Que sont devenus vos rêves d’enfant ?

Enfant je rêvais de devenir artiste peintre ou écrivaine. Je rêvais d’un atelier magnifique et d’une vie de bohême. Je vis ce rêve aujourd’hui ! En revanche, certains rêves (plus personnels) ne se sont pas encore réalisés, d’autres semblent irréalisables dans cette vie… Mais toujours en quête de l’inaccessible, je ne me décourage pas !

À quoi avez-vous renoncé ?

Je suis née artiste mais je suis née aussi mère. Je le sais, je le ressens. J’ai abandonné le désir d’avoir plusieurs enfants, j’aurais aimé une grande famille. Mais j’ai un fils unique formidable ! En étant artiste j’ai renoncé aussi à une vie matérielle sécurisante et confortable.

D’où venez-vous ?

Je dois venir d’une autre planète car je ne comprends pas le monde dans lequel je vis ! Mes idéaux semblent tellement utopiques ici-bas…

Qu’avez-vous reçu en dot ?

L’autonomie, l’indépendance, la « débrouillardise », mais aussi la mélancolie.

Un petit plaisir – quotidien ou non ?

Deux petits plaisirs quotidiens. Sortir avec mon chien dans la nature (Pablo, mon véritable ami) et partager le repas du soir avec mon fils et mon compagnon.

Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?

Je vis et je travaille à la montagne, loin des tumultes mondains et citadins, dans la discrétion. En général, les artistes vivent en retrait lorsqu’ils sont reconnus, lorsque l’on vient à eux et qu’ils n’ont plus besoin de se vendre. Moi, je fais l’inverse… Cela me prendra forcément plus de temps pour parvenir à mes fins, mais j’ai tout mon temps…

Quelle est la première image qui vous interpella ?

Un enfant éthiopien mourant de famine en 1984 ou 85. J’étais alors âgée d’une douzaine d’années. Cette image restera à jamais gravée dans ma mémoire.

Et votre première lecture ?

La première lecture qui m’interpella fut L’Assomoir de Zola.

Pourquoi votre attirances vers « le collage » et pour l’érotisme féminin ?

Mes récents travaux sont inspirés du Cadavre Exquis et le collage se prête bien à ce jeu de composition. Il demande de collecter, de collectionner, d’archiver, de classer, de chercher… J’apparente cette démarche à un rituel, une méditation qui m’ouvre l’esprit. Durant ce processus, je ne pense à rien d’autre qu’à ce que je recherche.

Le collage est un exercice artistique très difficile, remplit de pièges. J’aime les déjouer et y associer d’autres techniques comme la peinture, l’aérosol, le pastel, l’encre…

Je n’ai aucune attirance pour l’érotisme féminin. Je suis féministe et bien souvent je mets en scène des femmes qui restent fières, belles et désirables malgré les situations difficiles qu’elles traversent. Souvent je pose un regard féminin sur les univers masculins. Je pense à la religion, thème que j’affectionne particulièrement.

Entretien avec Séverine Métraz (4)

Quelles musiques écoutez-vous ?

Nous sommes une famille de musiciens aux goûts assez éclectiques. Personnellement je suis très Rock. Mais j’aime écouter du Jazz avec mon compagnon connaisseur.

Quel est le livre que vous aimez relire ?

Les Cavaliers de Joseph Kessel.

Quel film vous fait pleurer ?

King Kong (2005).

Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?

Joker.

À qui n’avez-vous jamais osé écrire ?

Mes parents.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?

New York. La grosse pomme me fascine.

Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?

Je me sens proche de l’écrivaine Claire Barré. Lorsque j’ai lu son premier roman Ceci est mon sexe, j’ai eu comme une révélation. Sans nous connaitre l’une et l’autre, c’est comme si nous étions des âmes sœurs, ou des sœurs… La pudeur ne m’a pas permise de le lui dire lorsque nous nous sommes rencontrées à Paris. Elle aussi trouve beaucoup de similitudes entre son livre et mes collages de la série Icônes et Images Pieuses.
Quant aux arts plastiques je reçois forcément des influences de divers artistes. Mais je ne saurais dire vers lequel je me sens le plus proche. Si je devais en citer un, ce serait Paëlla Chimicos, artiste de la scène Street Art parisienne.

Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?

Trois ruches et une demande en mariage.

Que défendez-vous ?

Le droit des femmes.

Que vous inspire la phrase de Lacan : « L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas »?

L’incompréhension entre deux êtres.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : « La réponse est oui mais quelle était la question ? »

À quelqu’un qui ne sait pas dire « non » !

Quelle question ai-je oublié de vous poser ?

Par peur d’être jugée hâtivement d’artiste bohême mélancolique féministe matinale et vieille fille », je souhaiterais que vous me posiez la question suivante svp : « Quel est votre plat préféré ? ».

On dit de quelqu’un qui aime manger et boire que c’est un bon vivant…

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