Le dandy de Belleville.
« Œuvres » Tomes 1 et 2, Bibliothèque de la Pléïade, « Album Pérec » par Claude Burgelin, Album de la Pléiade, Gallimard, 2017.
Georges Pérec aura travaillé la littérature dans un sens du jeu qui n’exclut pas la gravité. Au contraire. Il permit de déboîter les gonds du langage, de l’histoire, de la société, mêlant la littérature et cinéma. Si bien que chez lui « L’Amour fou » cher à Breton prend un tout autre sens. Plus vrai et plus sérieux : la passion des règles du jeu rend la littérature plus solide que les resucées psychologiques dont elle est souvent moins le creuset que l’écuelle.
Oulipiste hors norme, attelé aux impositions stylistiques et verbales, Pérec a été pris pour un dandy. Mais celui-ci a trouvé des fracs particuliers : ceux de faubourgs parisiens. Face à un monde dépressif et à sa propre neurasthénie née de pertes dont il ne se remit que mal, l’auteur a construit une œuvre marginale. Elle a mis peu de temps à devenir classique. Elle ne s’abstrait jamais du monde et se focalise sur l’accomplissement de figures hybrides. Celles-ci permettent à l’auteur d’aborder ses propres images rémanentes et obsessionnelles. Elles pourraient rappeler la robe de la mélancolie de Dürer, ses plis, ses sillons et ses passes dans un jeu de voile et de dévoilement.
Existe dans les deux tomes de la Pléiade une suite de voyages au bout de la nuit. Pérec la traverse, arrimé à ses propres ombres et ses lumières, au moment où elles renversent le jeu classique du littéraire avec l’humour le plus subtil. Loin du mythique l’auteur pénètre un intime par effet de voile. Il refuse le simple jeu de la dérision ou de la provocation : cela était bien trop simple dans une époque où une telle propension était devenue parfois la norme. L’auteur ne se voulut pas Queneau. La canicule des émotions demeure calfeutrée au sein d’une ténèbre par effet non de pudeur narrative mais d’incarnations. Elles ne pouvaient passer que par des montages, démontages, hybridations afin de communiquer avec le lecteur de manière sensible froide et flamboyante, blessée et distanciée.
Photographie à la Une © La Pléïade.
François Le Niçois
C’est Claude Burgelin qui m’a fait découvrir il y a une quarantaine d’années Georges Perec quand j’étais son étudiant en fac de lettres à Lyon. Hasard de la vie, mes études terminées, je suis allé travailler en région parisienne et l’une des premières personnes rencontrées fût Paulette Perec. J’en parle sur mon blog Vu du balcon