Du rap comme on aimerait en entendre plus.
Aux soirs des 13 et 14 novembre 2015 ont eu lieu deux concerts historiques pour la petite cave d’À Thou Bout d’Chant : la salle lyonnaise a accueilli pour la première fois dans ses murs un rappeur, Kacem Wapalek. Ce nom est à l’image du chanteur : malicieux, inventif, pertinent joueur de mots. Familier mais pas vulgaire, c’est par l’absence du « ouille » final à son pseudo (pour les durs du jeux de mots : cassez-moi pas les c…) qu’il se distingue de la production de rap hexagonale, trop souvent au ras des pâquerettes selon lui : « Dans l’rap / S’exprimer sans gros mots :/ C’est plus rare qu’une pipe sans grumeaux (…) » (Pas Facile). Résolu à révolutionner cet « art bourré de cancres » (ibid.), c’est par sa verve habile, jamais en rade d’une trouvaille, qu’il relève le défi. Les mots s’enchaînent, tantôt calmes le temps d’une mélodie (Marie-Jeanne), tantôt rapides comme pour une compétition hip-hop. Kacem donne à son art des airs de littérature, faisant de chaque mot une arme pour attiser les consciences, bousculer les politiques.
Cette silhouette au chapeau, présentée sous tous les angles sur la pochette de son premier album, Je vous salis ma rue, est assurément à la pointe d’un rap conscient, engagé, authentique, souterrain mais populaire. Il suffisait pour le croire de voir le public scander en accord avec DJ Blaiz’ les punch lines et se presser autour du chanteur à la fin de la soirée. Majoritairement jeune, l’auditoire est attentif à ce rap de qualité et relève joyeusement le défi : chanter, repérer tous les pays cités dans Tour du monde, être vivant. Malgré les attentats parisiens de la veille, Kacem a répondu présent. À Thou Bout d’Chant, Carnet d’art, le public aussi. Le jeu en valait clairement la chandelle, et tant pis pour tous les obscurantistes.