À partir du geste spontané s’amorce le recouvrement pour transcender la pensée au-delà du visible en invitant chacun dans la quête de sa propre vérité.
Quel est votre parcours ?
Je suis passée par l’architecture que j’ai étudiée à l’école nationale des Beaux-Arts puis j’ai travaillé comme urbaniste. J’ai ensuite évolué naturellement vers un parcours que j’avais à faire à un certain moment, il n’y eut ni plongeon, ni rupture, plutôt une continuité. Je vis comme si j’allais mourir demain.
Comment qualifiez-vous votre travail ?
Je travaille sur la transmission, l’héritage de génération en génération. Je démarre généralement mes toiles par un geste spontané à l’encre de Chine, un geste rapide pour sortir quelque chose de vrai. Puis, je prends le temps de recouvrir mes tableaux de peinture ou de papiers. Ce recouvrement est très long et laborieux car je recouvre et recouvre à nouveau et je reste respectueuse de ce que j’ai pu faire sur l’impulsion du moment. Cela correspond à un temps de réflexion qui peut prendre une semaine ou des mois. Je laisse les choses se sédimenter, certaines vont apparaître et d’autres pas. Je pense notamment à l’un de mes tableaux où il y a des phrases entières dissimulées mais où seules quelques lettres sont visibles. J’estime que l’humanité, c’est l’écrit.
Quelles sont vos couleurs ?
En ce moment j’utilise le rouge, j’ai également été dans le bleu et, dans ma période rupestre, je travaillais les ocres. J’ai de plus en plus envie de travailler des couleurs franches car l’air du temps est tellement pesant qu’il faut donner des couleurs tranchées et ne pas être en demi-teinte.
Êtes-vous passé du figuratif à l’abstrait ?
J’ai beaucoup été dans le signe animalier sans forcément arriver à distinguer tel ou tel animal, chacun est libre de ce qu’il perçoit dans son imaginaire. Aujourd’hui, même si mes toiles sont de nature plutôt abstraite, il demeure des signes car il y a toujours de l’écrit, visible ou non. Par exemple, dans mes derniers tableaux, j’ai utilisé d’anciennes affiches de cinéma que j’ai mises à l’envers. Il y a toujours l’idée d’un lieu secret, à rechercher derrière ce que l’on peut voir, de traces à trouver. Je ne veux pas que les gens puissent percevoir à travers mes tableaux une image figée, je veux qu’ils soient tous des porteurs conscients ou inconscients d’images et passeurs d’une mémoire collective.
Comment savez-vous qu’un tableau est terminé ?
Il y a une certaine forme d’évidence sur le moment où je dois arrêter de peindre. C’est rarement le cas, alors après une période de doute, je détruis la toile en la découpant en morceaux, je ne laisse pas de traces.
Laurence Courto est représentée par la galerie Chappaz de Trévignin.
© Photographie : Terre rouge, 61 x 46 cm, 2013