Le spectacle totalitaire du Coronavirus

            « Nous sommes en guerre. » Par six fois dans son allocution notre Monarc, la pupille responsable, aura martelé son assertion. Et peut-être que les conditions que nous subissons sont comparables, sous certains rapports, à ce que furent les deux « grandes guerres » du siècle précédent. Ce n’est pas analogiquement que l’on parle de guerre, c’est factuellement. La « guerre », c’est le nom que donne le Capital, en tant que mode de production historique universel achevé, parfaitement réalisé, à ses différentes phases de crises et de restructurations selon le degré de développement de ses conditions de possibilité et de ses propres contradictions.

            L’avènement des guerres industrielles des XIXe et XXe siècles marquait déjà un saut par rapport aux guerres d’Ancien Régime ; le passage, à l’aube de l’an deux mille, aux guerres terroristes internationales, qui échappent aux nomenclatures et aux gesticulations des instances moribondes du Droit International censé les contenir et les expulser, signifiait le franchissement d’un autre seuil. À partir de là, tout ce qui relevait de l’Ancien Temps ou de l’Ancien Monde était liquidé ; le Droit de la Guerre, autrement l’ordre politique en tant que tel, devenait caduque. Il n’y a que les Européens – et les Français peut-être plus dangereusement que les autres – pour croire que la prison dorée de leurs principes et des vieilles illusions des Lumières pourra encore longtemps les protéger et protéger le monde. Par nostalgie, sans doute, allez savoir.

            Il n’y a rien de nouveau, nous continuons à bailler sous le même soleil.

            Avec cette pandémie, nous apprenons que nous sommes en train de franchir un nouveau stade dans le dévoilement de la véritable nature et de la véritable destination de la guerre terroriste, ou plus simplement de la Terreur. Que l’on ne s’y trompe pas, ce n’est pas une Terreur qui s’installe, mais qui se dévoile aux yeux de tous. Que ce régime (que nous pouvons nommer le Capital ou que nous pouvons nommer le Satan, en sachant désormais que nous désignons la même entité, la même organisation mondiale) soit ce qu’il est, cela ne dépend pas de la volonté des pitoyables personnages de vaudeville que nous avons « élus » pour croire à notre place que tout est sous contrôle, que nous savons où nous allons et comment nous y rendre.

            Ce n’est pas seulement par goût de l’humour noir ou pour faire grincer des dents que je parle d’une Organisation du Spectacle Terroriste Internationale (OSTI), mais c’est avant tout pour désigner la réalité d’une véritable opération de terreur, qui ne procède pas d’un Complot, mais qui correspond à un certain stade de développement de la crise du système mondial. Le « spectacle » et le « terrorisme » ne sont pas l’aspect superficiel des choses, mais des matrices intrinsèques du système de la crise que nous nous obstinons à reproduire après chaque effondrement : nous colmatons les bulles de savon qui éclate avec des bulles plus gigantesques encore, qui finiront à leur tour par éclater…

            Les régimes de terreur qui se sont réalisés au XXe siècle ne furent que des laboratoires historiques, des préfigurations imparfaites contenues dans les limites des forces productives et du degré de développement des mentalités, de cette séquence formidable dans laquelle nous venons tout juste d’entrer.

            La Démocratie n’a jamais été autre chose qu’un régime de terreur. Nous n’avons plus à craindre ou à redouter que le capitalisme, en tant que procès de valorisation de la totalité du monde et de l’expérience humaine, triomphe, car le triomphe du Capital Universel et Planétaire est absolu et adéquatement réalisé selon la perfection de sa propre nature – avez-vous besoin d’aller plus loin pour comprendre que le système de l’Argent ne deviendra jamais autre chose que ce qu’il est ? Il est inutile également de pointer du doigt comme l’ombre d’une menace le risque que nous encourrons si nous ne prenons pas garde de basculer dans un nouveau régime totalitaire, car nous sommes nés sous la domination du système le plus performant qu’aucun empire de l’histoire humaine n’aurait pu déployer. Si nous ne le voyons pas, ce n’est pas simplement parce que nous sommes dedans, mais c’est aussi parce que nous avons assimilé le concept de « système totalitaire » au bruit des bottes et aux chambres à air. Si nous ne le comprenons pas, c’est que nous refusons d’en réaliser les conséquences, de prendre conscience de notre condition d’esclaves et de marchandises humaines ; ou que nous nous résignons à cette condition, que nous la considérons comme normale ou comme allant de soi, que nous nous en satisfaisons, jusqu’à un certain point, en attendant que la mort passe.

            Nous vivons donc bien en Démocratie et la Démocratie est bien cet « ordre mondial » que nous identifions sans trop de peine à l’empire universel du Marché, autrement dit de la relation humaine réifiée, aliénée à travers les cycles de production, de circulation et de destruction de la valeur d’échange. Nous vivons donc bien en Démocratie, mais la Démocratie n’est pas ce en quoi, nous autres esclaves et engeances d’esclaves, avons consentis à croire en découvrant stupéfaits que l’on avait déjà paraphé avec le sang de notre placenta les conditions d’asservissement volontaires stipulées par notre contrat social. Mais rassurez-vous, les Démocrates, qu’ils soient d’un bord ou de l’autre du centre de gravité de la Machine, qu’ils soient aux extrémités ou qu’ils soient rejetés aux bordures extérieures, savent ce que c’est que la Démocratie réelle. Ils le savent à des degrés différents, sans doute. Ils n’ont pas signé exactement le même contrat que nous. Ce n’est rien, quelques détails, des notes en bas de page, des petits caractères, trois fois rien, pas de quoi s’énerver.

            Mais alors, me demanderez-vous peut-être, si les choses sont comme vous le dites, si tout est déjà réalisé, pourquoi cette guerre, pour quoi et contre qui ? Hier encore la menace se cristallisait sous les bannières d’un improbable État Islamique et nous pouvions alors, quoique confusément, identifier un ennemi. C’étaient des hommes aux prises avec d’autres hommes, il y avait des camps, des rapports de force qui se dessinaient et qui pouvaient prendre sens dans le jeu de plus en plus incompréhensible de la géopolitique mondiale. Mais cette fois-ci la menace n’est pas humaine, elle n’est pas non plus une menace pour l’avenir comme le sont depuis une trentaine d’années tous les dérèglements climatiques ; elle est une sanction immédiate, invisible quoique palpable. Elle n’est pas seulement une menace et l’état de guerre n’est plus une probabilité.

            Quel est donc l’ennemi ?

            Il est tout à fait probable que le virus COVID-19, en effet, sous cette forme, soit un produit de laboratoire qui ait échappé aux mains et à la surveillance de ses concepteurs – et nous pouvons à partir de là broder ce que nous voudrons sur la base de tous les scénarios dont l’Amérique surproductrice dégueule depuis des décennies. Mais nous avons autre chose à faire que de broder, quelque soit notre degré de complotisme, sur les causes et la nature réelles d’une quelconque épidémie, pour ne pas dire d’une épidémie quelconque. Les agents qui sont à l’origine du phénomène et de sa gestion médiatico-politique sont des agents de l’histoire, dont la fonction est visiblement d’accélérer tous les vecteurs de la crise planétaire. En tant que tels, ils n’ont aucun pouvoir de décision, aucun contrôle, peut-être pas même la moindre idée de ce qui se joue dans la réalité quand ils jouent à ce jeu-là. Ils organisent comme ils peuvent les spectacles de la falsification. Le Régime de Terreur qui se dévoile les soumet comme il soumet les esclaves. Et nos dirigeants semblent nous dire, à nous autres qui sommes des Gaulois réfractaires : « Ne nous obligez pas à appliquer les lois de la terreur ».

            Et les lois de la terreur sont appliquées.

            « Pour le bien de tous, pour que la paix fragile que nous sommes parvenus à construire dans le monde entier ne soit pas compromise par cette crise, la plus terrible peut-être que nous ayons jamais eu à traverser. Cette épreuve, mes amis, nous devons la traverser ensemble, afin que nous n’en ressortions pas défaits, mais plus grands, plus forts et plus sages. » Ainsi notre Monarc conclut-t-il son allocution.

            Bien sûr que le Régime de Terreur est un régime de Paix. Un ordre qui ne serait pas fondé sur la Paix, qui n’œuvrerait pas pour les conditions de la Paix, pour la prospérité et la stabilité, n’aurait aucun sens et n’aurait aucune chance de se maintenir. Le Système-monde veut la Paix et œuvre partout pour la réalisation, le maintient et le développement des conditions générales de la Paix. Il est l’achèvement du projet de paix perpétuelle et absolue des Lumières. Là aussi nous pouvons dire que nous y sommes. La violence du système n’est que la réalité pratique du système de la violence, il suffisait de lire à l’endroit. Celui-ci ne souffre pas de ses imperfections, mais nous souffrons, nous, de la perfection de son concept.

            Le Système-monde, ou Démocratie planétaire, est bien l’accomplissement historique du régime de la paix perpétuelle et absolue. Mais la paix, mes amis, ce n’est pas, là non plus, comme nous le croyons parfois : l’absence de guerre ou la fraternité entre tous les peuples réunis sous une seule et même bannière ; la paix n’est jamais que la raison supérieure du principe de la guerre qui tenait en respect les nations modernes, comme il régissait les différentes formes de relations diplomatiques entre les communautés primitives. La paix est un espace à l’intérieur duquel la violence peut être contenue et duquel elle peut être expulsée. En franchissant un certain seuil, il semblerait que la dialectique s’inverse (guerres industrielles, guerres terroristes), que ce soit la guerre absolue et perpétuelle qui se dévoile comme la raison supérieure et définitive du développement et du maintien des conditions de la paix. Le régime de la paix perpétuelle est nécessairement et en même temps, et non pas par l’effet d’une dégradation, le régime de la guerre perpétuelle et absolue.

            Et comme il n’y a plus d’extériorité possible au système, l’expulsion comme le confinement se retournent vers le dedans : l’ennemi est à l’intérieur, il est devenu potentiellement chacun d’entre nous.

            Quel est donc l’ennemi ?

            Nous n’avons plus le temps de faire mumuse avec les stratégies de marionnettes qui se décident dans les coulisses de nos théâtres d’ombre. La Démocratie n’a qu’un ennemi, elle n’en a jamais eu qu’un seul. Celui-là même que Karl Marx avait identifié au moment où il prenait son essor dans le sang bouillonnant des brouillons de l’histoire, à travers les luttes radicales et les embrasements incendiaires que le Prolétariat incarnait contre toutes les formes étatiques et  paraétatiques de la misère humaine quantifiée.

            Toutes les guerres mondiales de la Démocratie dévoilent leur véritable nature à travers le développement social et historique de la guerre des classes, autrement dit de la révolte des esclaves – non contre la domination d’une certaine classe ou de certains individus, mais pour l’abolition complète et définitive de toutes formes d’esclave et de domination.

            Ce n’est pas le peuple qui est l’ennemi. Le peuple est le bienvenu. Tous les peuples de la Terre sont invités à se réunir joyeusement sous le même drapeau et à chanter universellement le même hymne de pacification. Non, les adversaires, ce sont les consciences et les incarnations réfractaires qui semblent de plus en plus nombreuses et de plus en plus éveillées – certains sont même déjà les yeux grands ouverts. Ceux qui ne se rangeront pas à l’ordre des Puissances et des Dominations.

            Par la voix de notre Monarc, nous avons été avertis : si nous ne voulons pas que les mesures engagées se durcissent, soyons dociles, obéissons, restons chez-nous, soumettons-nous sans opposer la moindre résistance. Alors tout se passera bien. Le choix nous est donné, entre nous comporter comme des citoyens obéissants et responsables, ou comme des ennemis inconscients de l’humanité. Le degré de Terreur qui sera exercé sur vous – ainsi lisons-nous entre les lignes du prompteur – sera en raison inverse de votre degré d’obéissance et de résignation.

            Ce sont les mêmes conditions qui engendrent les mêmes phénomènes : ainsi des deux « guerres mondiales » sous le rapport de l’intensification de la crise et de la lutte de classes ; ainsi du spectacle terroriste contemporain – à propos duquel on nous répète depuis des années que nous n’en sommes qu’aux commencements et que nous devons « nous habituer à vivre avec la terreur ». Le choix nous est donc donné. Mais nous sommes un peu réfractaire, n’est-ce pas. Il faut croire que nous avons la conscience bouchée.

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