Les Voix du Prieuré

Voix du Prieuré

Dionysos

Ivresse ou démesure tel sera le leitmotiv de cette soirée du mercredi 4 juin 2014 qui se déroulera à l’espace culturel de La Traverse au Bourget-du-lac.
Une soirée en quatre temps :
18h – Table ronde
19h – Emission Contre-addiction par Carnet d’Art
19h30 – Partage gourmand
21h – Concert de l’ensemble Musicatreize

Contre-addiction

 » Il faut être toujours ivre. Tout est là : c’est l’unique question.
Il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous.  »
Baudelaire, Le Spleen de Paris, XXXIII

Je suis comme vous, je suis un homme qui voudrait être dieu.
Errer, errer entre ciel et terre, entre raison et folie, entre l’homme et le divin. Être un Dionysos, un dieu vagabond, ici et partout. Sans foyer sous l’orage, l’ivresse et ses chimères comme unique port d’attache. Oui, si je pouvais choisir, je serai Dionysos. Pas Zeus, pas l’Olympien. Pas la lumière céleste, mais l’ombre qui se cache au creux des reins. Je renonce à la sainte providence, ne jure que par l’état de transe. Père de l’excès, figure de l’autre, je serai l’étranger commun, j’incarnerai la passion de l’humain. Noyé sous les sucs et la vigne, je vous parlerai de tragédie, du drame charnel et de sa destruction, de ma résurrection, attaché à la cuisse de Jupiter ; et de cette poussière, qui redeviendra poussière.

L’extase ? Vous me parlez d’extase ? Alors buvez à la coupe du vivant, avalez ce lait, faites monter la sève, urine, sperme ou sang, je redonnerai à l’extase son rang, ce ravissement que vous appelez avilissement. Vous pensez que l’art est le chemin de l’immortel ? Qu’il faut se déifier pour exister ? Je n’ai qu’une réponse ; renoncez. Renoncez au surhumain, oubliez l’élévation. Qui pourrait prétendre voler, sans savoir correctement ramper ? Je ne parle pas de douleur, je parle de contemplation, celle du temps qui nous est donné. Non, je ne parle pas, je suis un dieu et j’ordonne. J’ordonne un abandon à la nature, à votre nature profonde, cet espace creux qui vous fait si peur, celui que vous tentez de combler par vos discours, vos actions, vos fonctions. Oubliez-le, je l’exige. Il vous suffit de broyer cet espace, ce temps. Utilisez le vin, le sein, le venin, tous ces paradis que mes frères ne peuvent plus promettre. Une fois bien imbibés, ensevelis par l’ivresse, par vos désirs, par votre sagesse d’homme, par votre rage d’homme, vous serez à même de comprendre. Préparés, mais pas encore prêt.

Il ne vous restera que votre cœur, et vous gouterez alors à l’égo désincarné, à sa saveur. Arrachez alors la dernière racine de réflexion, pressez la dernière goutte de stratège, brisez le céleste, ne devenez pas divin mais leste. Levez ensuite les yeux vers votre conscience vierge, débarrassée de ces préceptes. Agrippez-vous à elle, enlacez-la, soupesez le poids de son vertige entre vos mains. Voilà, vous êtes ivres. Ivres de vous-même, arrivés aux portes de la représentation. Vous êtes devenus saints. L’harmonie deviendra alors désordre, puis poésie. Le chant sera silence, la vérité… La vérité ne sera jamais qu’une folie, une nymphe d’exaltation qui vous jette dans le précipice du réel.
Je suis Dionysos, le dieu de la vigne, du vin et des excès, Dionysos, né deux fois, l’immortel.
Je suis un dieu, et j’essaye tout comme vous, de devenir humain.

Killian Salomon

Rédacteur / Auteur

Be first to comment

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.