Pierre David

Chronique des ségrégations.

Pierre David, « De l’usage de l’autre », Musée des Beaux-Arts de Chambéry du 21 mai au 18 septembre 2016.

Pierre David selon divers médiums saisit différents degrés de l’identité et les découpes de segmentations sociales ici ou ailleurs. Il se veut artiste anthropologiste. Ses différents travaux caressent l’ambition de modifier les invariants qui dirigent notre perception et l’inconscient collectif qui la construise. Les révélations se veulent implacables et vont souvent chercher des cautions de divers universitaires et esthéticiens. Sous prétexte de faire du décor et du beau tout semble possible :  c’est là le supremus de l’art bobo.

Pierre David chercherait à déchiffrer le squelette social du monde dans la chimie de ses métamorphoses esthétisantes. Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse. Voire… Cela ne va pas sans ambiguïté et malaise. Partant d’un art conceptuel au prétexte « humaniste » l’artiste a par exemple photographié les peaux d’un panel de Brésiliens afin de construire un nuancier de couleurs. Elles vont du plus clair au plus foncé. Chacune d’elle est commercialisée en des pots de peinture fabriqués dans une usine allemande. Sur chaque pot est collé le visage de l’autochtone correspondant. Et sur chaque lame de nuancier est apposée le nom du photographié et le numéro qui lui est attribué.

Croire ainsi sauver la diversité ne fait-il pas glisser l’artiste au rang de négrier ? Preuve que sous les bons sentiments, l’innocence revendiquée ressemble à une arrogance discutable. Saluer la diversité des êtres pourrait passer par des stratégies plus conséquentes. Que l’artiste traite (je cite) ses modèles métisse « avec attention et condescendance » n’enlève rien à ce qui fait passer une défense humaniste pour un racisme sophistiqué. Rappelons que dans les pays à forte composante métisse plus un être est foncé plus il est considéré comme mal né et mis d’emblée au banc de l’échelle social.

Le nuancier offre donc l’outil parfait à une ségrégation qui non seulement distingue le blanc du noir mais pénètre les arcanes d’un fichage et d’une sélection ethnique plus avancés. L’œuvre dans ses diverses séries et leurs rubans de vie possède quelque chose qui fait froid dans le dos. Les galeries de portraits sont donc sans le vouloir plus gênante que l’artiste et ses différentes cautions ne le disent. Si le monde semble ne plus pouvoir offrir de destin, l’artiste n’en a cure. Porté à ce point l’art en devient discutable. Autant que le titre de l’exposition qui range l’autre à sa seule valeur d’usage…

Image à la Une : 2009 – Nuancier – Création Pierre David – Photos Thierry Chassepoux.

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