« Par la main dans les Enfers – Joyeux animaux de la misère II ».
Hors série Littérature, Gallimard, 2016.
Commencé, sur un simple carnet, en tant que « texte de détente, écrit en liberté », l’ensemble de « Joyeux animaux de la misère » est devenu une somme. Elle devient un travail d’un genre particulier : « Pour se détendre, autant se détendre dans la comédie. Au tout début, je considérais ça comme une bluette. Est resté quelque chose de léger mais son ampleur en fait évidemment autre chose ». Le texte a pris en effet une dimension imprévue d’où ce deuxième tome, comique peut-être mais surtout scandaleux et blasphématoire. Écrit selon l’auteur « non sans douleur » il évite pour autant le tragique.
Pour écrire ce second « épisode » Guyotat a renoncé jusqu’à ses marches quotidiennes et à toutes sorties, travaillant presque nu tant il faisait chaud et « pour ressentir au plus près un peu de ce que mes figures vivaient. Abstinence sexuelle complète vouée au seul travail du verbe ». Demeurant en un état monacale l’auteur instruit des situations brutales de sexe mais aussi de gestation et de délivrance : scènes de saillies de femelles par les mâles dans les bordels proches, scènes de découvertes de crimes passionnels afin de multiplier l’hallucination au sein de l’ordure, l’excrément, la viande rouge, la Nature, l’air, les odeurs.
Guyotat affirme que le titre « Joyeux animaux de la misère » n’est pas de lui mais serait issu du personnage majeur Rosario : « dans une sorte d’élan lyrique, il s’évoque, s’invoque, lui, ses congénères, les ouvriers, les animaux, la vermine si active ». En référence à Descartes – l’auteur voulait intituler son livre « Esprits animaux » mais il préféra la formulation moins philosophique et plus enjouée tout en conservant le mot « misère » en référence à ce que Pascal entendait par ce terme.
Spectateur engagé l’auteur veut par sa fiction agir dans l’histoire et l’épistémologie. Il veut aussi éclairer les êtres sur la question de leurs choix. Mais il ramène néanmoins à ce qu’on avait oublié : l’amour reste « la logique suprême ». Guyotat l’invoque avec autant une imagination qu’un réalisme extraordinaire pour tenter d’expliquer l’inexplicable.
Photographie à la Une © Pierre Guyotat.