Rumeur et petits jours

L’imaginaire à l’attaque de la pensée majoritaire.

Prix du jury et du public au Festival Impatience en 2012 avec Le Signal du promeneur, Raoul Collectif signe là un deuxième spectacle mordant et piquant à souhait où l’imaginaire se lance à l’attaque de la pensée majoritaire.

Antenne dans trois minutes, les cinq acteurs / chroniqueurs prennent place face au public, derrière leurs tables où sont disposés leurs micros. 5, 4, 3, 2, 1… lumière rouge… antenne… on air… c’est parti. Nous sommes à l’écoute de la 347ème et dernière émission d’Epigraphe… La chaîne vient de se faire racheter par un grand groupe (industriel ?), il a été décidé que cette émission serait supprimée, cela ne vous rappelle-t-il rien ? Que faut-il faire alors ? passer ce moment selon le fil établi des émissions passées, casser ce chemin ? Tous ne sont pas d’accord, les personnalités se dessinent (le consensuel, le révolté, l’anar’, le passif, le qui-est-d’accord-avec-tout-le-monde).

Il est néanmoins décidé de poursuivre l’émission tel que prévu. Lecture de la lettre de Benoite, ah Benoite…« On ne peut pas être cheval ou vache sans se sentir concerné par le pré. » chacun comprend-t-il, est-ce assez clair ? Les rires fusent, les propos relève de l’absurde, le deuxième degré s’installe et il est au combien primordial dans ce spectacle sans quoi on passerait totalement à côté. L’arrivée impromptue de télex interrompt l’émission : l’auditrice (la seule ?) de l’émission fait part qu’il convient de ne pas fumer dans les lieux publics… Les paroles, les réactions se coupent, se répondent, se font écho, le rythme est vif, haletant, nous sommes emportés par ce qu’il est en train de se passer sur scène. Comment ne pas se laisser emporter par la chronique animalière, celle des espèces en voie d’extinction ? là, le propos aussi bien que les images permettent tous les parallèles possibles avec certaines figures de pouvoir (politiques ou médiatiques) françaises.

Tout est subtilement amené et posé lorsque TINA rentre en scène ; TINA = There Is No Alternative. TINA est une idée, l’idée de l’absence d’alternative, sans autre choix possible. TINA fait appel à une figure féminine, avec celle de Margaret Thatcher, et pose la question de la liberté face au système établi et dominant. Les mesures d’austérité en Grèce et le fossé entre le vote démocratique d’un peuple et les instances européennes ; les semblants d’espoir avortés de Podemos lors des élections espagnoles, le mouvement Nuit Debout (presque) mort de sa belle mort – et de toute façon « ils faisaient trop de bruit, alors j’ai appelé les flics » comme le souligne TINA. Mais TINA est une idée, peut-on tuer une idée ? C’est ce qu’essaie de faire Raoul Collectif avant que tout ne parte dans une joyeuse dérision…

Rumeur et petits jours nous embarque dans une aventure où l’on fait appel à notre imaginaire sans cesse, où l’on tisse les liens de manière évidente ou suggestive, suivant sa perception personnelle. Le tout est mené de manière très intelligente où chaque mot qui semble parfois anecdotique prend sens.

Rumeur et petits jours, par Raoul Collectif. Cloître des Carmes, à 22h, jusuq’au 23 juillet à 22h. Durée : 1h20.

Photographie à la Une © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon.

Kristina D'Agostin

Rédactrice en chef de Carnet d'Art • Journaliste culturelle • Pour m'écrire : contact@carnetdart.com

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