Stéphane Zagdanski

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Stéphane Zagdanski, « RARE » à la Galerie Éric Dupont de Paris, du 03 au 24 septembre 2016.

Stéphane Zagdanski a publié une vingtaine d’essais littéraires et philosophiques dont le superbe Chaos brûlant où l’auteur illustre le délabrement du monde soumis à la globalisation néolibérale. Mais constatant la crise de l’édition – « C’est un monde en train de mourir. Le naufrage est global, rien ni personne n’y échappe. Qu’est-ce que je deviens dans un monde pareil ? » – l’auteur a renoncé sinon à écrire ou plutôt du moins à publier dans des maisons d’éditions classiques. Son objectif : « L’écriture à la main ».

Les livres étant devenus des objets de consommation, il s’agit d’écrire autrement. Son nouveau roman ne sera donc pas publié (sinon à quelques exemplaires pour l’exposition) mais scénarisé et exposé. La forme et le fond ne font qu’un et où la fiction à la fois raconte et représente visuellement ce qu’elle raconte. D’abord rédigé (en anglais) sur un cahier le texte est recopié sur des tableaux, des objets ou des supports éphémères (sable) ou intransportables (mur d’immeuble) ou encore des corps nus qui deviennent des « pillow books » chers à Greenaway.

Chaque «image » est une page unique – et c’est pourquoi son nouveau projet se nomme RARE. L’auteur propose ainsi un manuscrit gigantesque dans une dialectique entre le texte et l’image. Manière pour lui de changer d’univers et de passer du livre à l’art. Celui qui a toujours pris le parti du texte contre l’image (il a écrit en 2004 un livre contre le cinéma – La Mort dans l’œil a aujourd’hui changé de stratégie pour sa quête obsédante et lucide.

RARE est donc l’histoire et la figuration d’une transformation qui joint le général et l’intime pour un auteur/artiste particulier : il ne considère pas l’écriture comme un mode de communication mais un geste « chamanique » qui permet de comprendre le monde. Il obtient ce que Marguerite Duras avait rêvé : « l’image où l’Autrefois rencontre le Maintenant, en une fulguration, pour former une constellation neuve ». Et ce par des mises en abîme où l’image propose le retraitement de la littérature selon un caractère aussi impalpable que concret. Tout le processus de création repose donc sur un paradoxe : celui de l’évidement contre l’évidence au sein d’une représentation ironisée et « la perception de la perception » chère à Deleuze.

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