Les miroirs à facettes.
ALBUM DE LA PLÉIADE « Sylvie Le Bon de Beauvoir – Album Simone de Beauvoir », iconographie commentée. Album de la Pléiade n°57, 256 pages, 198 illustrations aux Éditions Gallimard.
Le fait est que je suis écrivain : une femme écrivain, ce n’est pas une femme d’intérieur qui écrit mais quelqu’un dont toute l’existence est commandée par l’écriture, déclare Simone de Beauvoir dans La Force des choses.
Même son essai Le Deuxième Sexe, qui lui a valu une célébrité se ramène au souci d’« éclabousser la terre avec des mots ». L’auteur ne concevait pas sa vie sans l’écriture. Comme pour Marguerite Duras « c’est une maladie dont on ne guérit pas ». Certes la mémorialiste n’a pas la force littéraire de l’auteur de L’Amant. La parution de ses Mémoires dans la Bibliothèque de la Pléiade prouve qu’il existe toujours dans de tels écrits une certaine complaisance et plaidoyer pro domo.
Simone Beauvoir cultive une idée de soi très bourgeoise. L’auteur parle en une propension narcissique. Car à chasser le naturel il revient au galop. Sous l’injonction paternelle puis sartrienne et de l’amant américain elle tente de s’ouvrir sur le dehors, sur le monde, sur les autres dans une émancipation continuelle. Elle prouve que si elle sait aussi parler des autres, elle cultive ce qu’elle nomme dans Tout compte fait, « le goût de ma propre vie ».
La sincérité qu’on a louée chez elle est non une grâce dont elle bénéficierait, mais le choix d’un certain regard, arracher son existence mortelle au temps et au néant, pour totaliser deux vérités ennemies : « l’exultation d’être et l’horreur de finir, dont parle » Sylvie Le Bon de Beauvoir et que rappelle la fin de La Force des choses « Peut-être est-ce aujourd’hui mon plus profond désir qu’on répète en silence certains mots que j’aurai liés entre eux ». Ils sont essentiels dans son livre majeur Le Deuxième sexe. Dans les Mémoires ils restent secondaires. L’album de son héritière testamentaire et fille adoptée en « dit » plus.
Image à la Une © Éditions Gallimard.