RUELLE
Suis-je de nouveau poudrière ?
j’éteins la lumière de la lune
je tire des lignes droites ?
la foi tourne transforme et
quelle époque se raconte ?
perd sa place comme soleil
mon élan et
cet univers
telle ruelle existe
à ma rue parfaitement perpendiculaire
pensée entre deux bâtiments construits
dans la pierre ;
dix ou quinze mètres de haut
d’où veux-tu en venir ?
après j’oublie
écrire sans gravité
TUNNEL
Il y a Dieu quelque part
une histoire de mon enfance
celle d’un tunnel
et d’une lumière
au bout
quand j’aurai une vie
entière dans ma mémoire
me laisseras-tu pleurer ?
sur un banc devant un palais
désert comme cette femme
dont la seule compagne
est une béquille en forme de croix
CORPS
Habiller le temps avec
ce que j’ai à y dire :
« Qui est,
dessine secrètement
l’âge et le nom des choses. »
les cathédrales sont pétries
tout près du détail :
un corps en forme de côte
le jour redresse
DRAPEAUX
À chaque vie humaine une place cachée
pour un gouvernail que Dieu
se ravisa de créer
s’abaisser à dire
[Bonsoir, c’est beau non ?]
s’élever à être
les drapeaux roulent sagement
te couvrent de poussière
à toi mon prochain où fussent d’abord tes débris
de « désirs
et les bois
changés en caravelles fragiles »
ROSEAU
J’ai chaque jour un habit différent pour prier
chacun de nouveau ample
laisse entrer la lumière
les couleurs de ma foi dans celles de ma peau pour
prier : prier
n’est pas l’histoire d’une lévitation
mais parle d’un sol. Pour prier, je reste immobile ou je circule,
je suis à genoux et mon front touche peut-être le sol. Mais je parle
à quelqu’un et je me tais en même temps tout droit et immobile
comme le père que décrit Amichaï pour que Dieu,
comme le roseau, se balance
comme pour prier vers moi.
comme il faudrait nouer dans la grâce
les étages du dialogue
comme les poèmes choisis d’un recueil invisible
finissent par oublier
comme écho
résonne
comme
SILENCE
Tout est fragile qui se glisse dans un sens
et ne connaît jamais l’autre
il y a Dieu
quelque part
quand j’aurai une vie
m’intime
le silence
le berger ouvre les yeux et voit la lune
l’épouse ouvre les yeux et voit le joyau
le moine ouvre les yeux et voit la montre
l’écrivain ouvre les yeux et voit la table
et sans hésitation
tous se détournent
de ce qu’il voient
pour chercher leurs désirs
dans une chose invisible
SOLEIL
Écrire sans gravité
après j’oublie
d’où veux-tu en venir ?
dix ou quinze mètres de haut
dans la pierre ;
pensée entre deux bâtiments construits
à ma rue parfaitement perpendiculaire
telle ruelle existe
cet univers
mon élan et
perd sa place comme soleil
quelle époque se raconte ?
la foi tourne transforme et
je tire des lignes droites ?
j’éteins la lumière de la lune
Suis-je de nouveau poudrière ?
Image à la Une © DR.