« t »

… et du filet tombaient des gouttes,
formant sur la terre une ligne évaporée aussitôt.
Comme une promesse.
Nikos Kokantzis.

Et de mon filet, que tombent-ils
les yeux.
Il y a un poème de Twardowski qui
dit : Tu ranges les croix comme des soldats trop grands
Et à chaque « t », une majuscule, quand les miens de « t » justement
sont chaque croix chacune une fois
petite
tracée. Un « t » comme une lèvre ouverte comme
une gerçure dans le ciel cette nuit, et ce n’est ni une bombe ni un éclair. Il y a votre corps emporté loin de moi, loin des frontières de mon corps et pour ne citer qu’une des lignes d’Agatha, qu’il va être introuvable et je vais en mourir.
À la page treize
je vais en m’ouvrant. Non rien
qu’une prémisse à voir ; ce que le ciel réserve.

Elle marche parmi les ruines Ilieva. Tu écris « inévitable » et j’entends : un demain sans chevet pour ma nuque à t’écrire / un demain de ceux qui s’étirent pour devenir plus grands et mériter l’amour du Père / demain, quand l’étroite trouée que percent encore les mots de certains poètes sait élargir son tronc aux lueurs de deux corps qui se rencontrent pour la première fois et s’exécutent d’une gâchette sans un regard, avec nulle autre somation qu’une perte partagée de finir-ensemble-et-plus-tard-nous-irons-planter-des-arbres-où-IL-S’AGIRA-DE-VIVRE.

J’étais l’œil de l’aveugle
Et le pied du boiteux.
J’étais père des misérables ; le froid
c’est un mystère qui gagne du terrain
sans quoi rester invisible
demeure aller au combat. Comme une promesse
je te tiens, tu me tiens, par la barbe : barque enrôlée aux flots :
attachée à la haute mer des tirs qui partent.
Dans le doute, je vois bien que j’ai levé les bras plus souvent ces jours passés, quand le soir tombe – comme un roi pour la victoire qu’on aide les mains en l’air jusqu’au couchant, et que l’image se représente : qu’elle s’introduit dans ma langue en couleur d’abandon ; mais de cet abandon qui est de me donner à Toi-ma-majuscule, me délivrer sans retour. Oui, j’ai levé ces bras de barrière sur mon retour sans même un pardon frôlé des lèvres ; impur, mes yeux fermés, t’offrant mon Père, juste une provision de louangettes, simplettes et toutes fécondes dans leurs dorures défoncées.
Ce sol que je dépose à tes pieds comme huile sur feu, dont un parfum de mes morts répétées se transmet sans chaleur : un peuple de gestes de tendresse qui habite à l’écart, dans les contrées denses et intérieures de ce dernier langage que je tente d’apprendre et qui est mon âge, mon âge : l’âme qui est en moi.

– J’ai voulu lire soit un livre sur les saints qui parlent, soit l’aventure des chevaliers qui viennent. J’ai disparu dans ma blessure. Et mon habit se porte encore par d’autres tandis que je suis dans la terre.

– Le nom de mon père est le nom que je donne à la fleur si je parle ma langue, et mon ouvrage c’est d’annoncer par toute la terre : où m’attends-tu ? Qu’appelles-tu de ma vie dont je dispose encore ?

*

Plein mois de septembre qui se décore avec
des boucles d’encre. Qu’est-ce écrire ? Qui sait dire ? Dis-moi.
Je persiste, dans l’illusion ou l’ignorance. COMPRENDRE,
JE COMPRENDS QUE C’EST VOIR. Qui parle ?
Je profite d’être mon âge, ici, et de ne savoir ni le lieu ni le temps.
Mais de quel mirage ? Chaque seconde,
naît-on autant
que l’on ne meure ?
Pas une paix. Pas de guerre. D’autres choses.

Tu proposes écrire pour dire « j’aime », « survivre » et « je » quand, seul, ne dispose que de sentences qui se mettent en garde :
« pourquoi ? » « merci ».

Tu es invincible et je bute en enfant
sur un étrange caillou qu’est ce mot de « guerre » pas même
un verbe.
Le frigo est toujours bruyant par périodes.
La guitare immobile. Un peu de sang sur la corde de si.
Je découvre qu’il y a un an jour pour jour, presque,
l’écharde dans mon dos s’est plantée comme un conte :

« C’était Jéricho trois.
            Il est une foi
            qui ne se donne
            qu’en ouvrant les yeux
            sur sa pauvreté. »

Je suis encore tombé hier, je suis de Cyrène et je suis aussi la croix.
La bougie dans sa cire est paisible.
Elle s’éteint
et le silence dont Tu uses mes oreilles
est celui que j’écris à genoux
sans avoir reçu un seul courrier de réponse :

Adorer : cesser de voir.

*

Il neige sur mes mains
des flocons qui ne fondent pas :

GRIS

Image à la Une © Camille Valentin.

Be first to comment

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.