Antigone

Installés dans le centre d’Avignon, nous sommes prêts à affronter les chaleurs du soleil, des foules et des éclairs de génies des artistes que nous attendons de revoir ou de découvrir. Nous entamons ce parcours du Off avec une libre adaptation de Antigone, de Sophocle, au Théâtre des Lucioles. Dès l’entrée dans la salle, les codes traditionnels du théâtre se voient ébranlés. Accueilli par ce que nous savons être les comédiens, ils nous attendent, nous accueillant en souriant, devant ce rideau fermé. Petit mot traditionnel à Avignon, « Parlez de nous autour de vous, éteignez vos portables, profitez bien ».

Nous nous trouvons face à une proposition qui se veut assassine des codes traditionnels du théâtre. Méta théâtre en perspective de par la présence sur le côté des comédiens n’étant pas dans l’arène de jeu, la présence de cette diva narratrice, omnisciente, l’adresse directe au public qui est tour à tour témoin des scènes clés de ce qu’il reste de cette Antigone épurée, puis complice du Chœur, cette diva narratrice, et enfin peuple de Thèbes.

On dessine chez Jean-Charles Raymond, l’adaptateur, metteur en scène, une violente volonté de ramener ce mythe puissant à une résonnance qui fait clairement vibrer notre société contemporaine. Plusieurs axes s’ouvrent alors à nous. La première est cette incrustation saugrenue de l’Espagne, mise en parallèle avec les tragédies grecques. J’ai beau m’accrocher à l’explication qui nous est donnée du rapport de ce pays avec la mort notamment à travers les corridas ou la guerre civile, le lien semble bien trop lointain pour ne pas passer ici pour une véritable coquetterie de l’adaptateur. Heureusement pour lui que ce parti pris est porté à bout de bras par un comédien travesti ayant les moyens de puiser dans ses ressources pour assumer l’embûche.

On ne peut que souligner également la qualité de jeu des comédiens qui sont individuellement très beaux. Encore une fois, manquement de la direction d’acteurs sans doute, les très belles propositions de jeu, de situations physiques ou d’instants esthétiques sont avortées et disparaissent derrière la sagesse presque scolaire d’un metteur en scène qui sait créer un véritable univers, nous livrer une véritable lecture originale de cette œuvre, qui installe des codes et niveaux de narrations claires et audacieux malheureusement gâchés par ce manque d’attention pour une équipe qui vaut le détour. Notons aussi la création originale de la musique, qui est en vente à la sortie et qui joue à la fois son rôle d’accompagnateur dans ces glissements répétés entre les niveaux de narrations et nous ouvre les portes d’un état dans lequel s’approprier cette fabuleuse histoire d’injustice mais surtout de révolte. Dernier bémol de cette adaptation, la révolte est bien présente dans cette proposition de lecture mais est souvent voilée par l’injustice sur laquelle l’adaptateur a voulu insisté. Une frustration de plus qui n’entache pour autant pas le plaisir de cette découverte originale.

Note pour les festivaliers : c’est une belle proposition, à voir pour la lecture qu’elle offre d’un Antigone qui n’est pas, pour une fois, une simple adaptation de plus. Vous pardonnerez sans doute les maladresses sus mentionnées à cette équipe qui vous accueillera avec le sourire et aura du plaisir à vous livrer ce spectacle.

Du 07 au 30 juillet 2016 au Théâtre des Lucioles à 15h15 (relâche les 11, 18 et 25 juillet 2016) par La Compagnie La Naïve.

Photographie à la Une © Compagnie La Naïve.

Antoine Guillot

Auteur / Metteur en scène / Comédien / La Compagnie Caravelle

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