Ásta

Fragments de la vie d’une femme.

LIVRE « Ásta » par Jón Kalman Stefánsson aux Éditions Grasset.

« Il est impossible de raconter une histoire sans s’égarer, sans emprunter des chemins incertains, sans avancer et reculer, non seulement une fois, mais au moins trois – car nous vivons en même temps à toutes les époques. »

Une vie, et toutes ses époques. L’écrivain islandais Jón Kalman Stefánsson dans son dernier roman émaille les âges de la vie d’Ásta. Ásta, dont le prénom signifie « amour », à une lettre près. Et c’est à se demander si ce n’est pas l’Amour, justement, le personnage principal de cette grande fresque disloquée. Celui que l’on cherche éperdument avant de perdre irrémédiablement. « Fallait-il que je meure pour te prouver que tu ne saurais vivre sans moi ? » écrit Ásta à Joseph, son grand amour perdu, son échec outre-tombe.

Jón Kalman Stefánsson.

Bribes d’existence.

Ásta est le deuxième enfant d’Helga la belle, la névrosée, l’alcoolique sublime – et de Sigvadi, peintre en bâtiment trentenaire et résilient. Les lettres, les souvenirs et les narrateurs s’enlacent dans cette prose à la temporalité décousue. Ici Ásta a quinze ans et se voit envoyée vivre dans une ferme du nord au cours d’une adolescence difficile. Là Sigvadi se meurt, tombé d’une échelle. À une inconnue de passage dans son agonie, il raconte sa vie, Helga son foudroiement, puis sa deuxième épouse – la sauveuse. Dans cette absence linéaire s’entrecroisent des portraits de parents perdus et d’enfants délaissés – délaissés et bien souvent choyés par des étrangers ; des amants passagers et des sœurs abandonnées, des époques aussi : Reykjavik des années 50, l’Europe des années 80.

Ásta est un roman difficile à résumer. Le lecteur doit s’armer de patience et accepter de se laisser porter par la poésie et la noblesse du courant. Soulignons d’ailleurs ici le travail remarquable du traducteur Éric Boury. Envoûtant, charnel, dès les premières pages, Ásta se révèle pourtant implacable dans les questionnements qu’il engendre.

Que restera-t-il de nos instants fugaces ?

Qui se souviendra donc de nos divins amours ?

Et à quoi tient la vie, inconstante et fragile ?

Image à la Une © Éditions Grasset.

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