Barbara Polla

Devenir Soi.

« Femmes hors normes », Éditions Odile Jacob, 21.90€, 2017.

La genevoise Barbara Polla, docteur, galeriste, essayiste (entre autres) est une femme « arrivée » ce qui est bien différent de « parvenue ». Elle a connu pourtant des périodes de maigre comme on disait jadis. Ce qui lui permet aujourd’hui de présenter aux femmes (mais les hommes en feront un excellent usage) son manuel d’« autonormie »  dans lequel « la hiérarchie de soi a pour vocation d’abolir toutes les autres ». Beau et vivifiant programme. « Se » vivre est donc un choix : certes il ne va pas de soi et Barbara Polla n’oublie pas les contingences inhérentes aux conditions politiques, géographiques et sociales. Néanmoins changer de cadre conceptuel par les actions qu’on engage reste le meilleur de devenir qui nous sommes et être qui nous devenons.

Cela demeure plus facile aux hommes puisque la société est conçue par et donc pour eux. Son livre s’adresse donc plus particulièrement aux femmes. En bonne doctoresse Barbara Polla leur propose ses « hors normes sur ordonnance » afin de sortir du bridage des désirs et des codes qui le conditionnent. D’où ses multiples exemples afin de montrer que nul possède l’autre : l’objectif est de respecter les normes uniquement lorsque notre moi n’est pas sacrifié. Et l’auteure de « payer » de sa personne : « Moi j’aime l’amour par correspondance et correspondances. Je suis dans la norme du Moyen-Age, dans la norme des temps anciens ». Il existe là une belle maturité de l’âge qui sait qu’il y a des temps pour tout…

Mais Barbara Polla n’en fait pas une règle ; pour preuve les multiples exemples qu’elle offre ne serait-ce à travers les musées « qui regorgent d’histoires d’amour de tout ordre » : celle, lesbienne, qui unissait Lady Jane et Genesis dans leur volonté à se « connaître et réciproquement » ou celle du peintre Jacques Coulais, tétraplégique, qui estimait que l’amour est « un acte de liberté ». L’autonormie est donc une nécessité afin que corps et âme bougent, tremblent, désirent, transpirent, crient, aiment, souffrent, se fatiguent, s’excitent même lorsque le premier semble impotent. L’auteure fait choisir la vie dans son désordre comme dans son ordre. Elle opte pour la liberté contre l’aliénation : l’existence ne doit reconnaître d’autre règles jusqu’en ses questions là où il n’y a pas de réponses et où  tout échappe.

Image à la Une © Éditions Odile Jacob.

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