Brassaï et Roger Grenier

Paris, la photographie, l’amitié.

« Correspondance, 1950-1983 ». Éditions Gallimard, 28€.

Paris c’est ma villle écrit Grenier. Il prend soin d’ajouter « Même si les Parisiens ne sont pas aimables du tout, on s’en rend compte tous les jours dans les rues ». L’auteur – à l’inverse de ceux qu’ils croisent près de la rue du Bac ou Sébastien Bottin (rebaptisée Gallimard) – est le plus « aimable » (au sens de Montaigne) des hommes. Il reste un écrivain bien trop méconnu. Il est vrai qu’il refuse les honneurs et le bicorne pour lequel des écrivains secondaires tueraient (métaphoriquement) leurs alter-egos  pour l’obtenir.

Il garde comme maître, grand frère et ombre tutélaire celui qui, contrairement à lui, détestait Paris : Camus. Grenier n’oublie pas une des premières phrases que l’auteur de L’Étranger lui adresse : « Je ne te laisserai jamais tomber ». Et l’auteur de préciser « Je connais peu de gens qui pourraient dire une chose pareille. Il ne m’a en effet jamais laissé tomber ».

Grenier fit de même avec Brassaï. Sa correspondance avec le photographe le prouve même s’il demeure tel qu’il est : peu disert. Brassaï et son épouse y sont plus bavards. Mais il est vrai que ces échanges épistoliers n’étaient là que pour combler les absences du couple : les Brassaï voyageaient beaucoup mais n’oubliait jamais le Régent du collège de Pataphysique qui fit haussé à ce titre par son fondateur que Grenier décrit ainsi : « Emmanuel Peillet, alias Anne de Latis, Jean-Hugues Sainmont, Dr Sandomir, Mélanie le Plumet, Oktav Votka, Elme Le Pâle Mutin, etc. C’était un professeur de philosophie pince-sans-rire très drôle ».

Cette correspondance est précédée de « Brassaï est les lumières de la ville », un des plus beaux essais écrits sur le photographe. Certes le photographe ne révélait pas ses secrets mais Grenier les soupçonne tout en mettant les points sur les i sur des racontars colportés sur le photographe et qui furent parfois de pures calomnies. L’auteur explique la genèse de ses photos nocturnes de Brassaï, sa capacité à trouver des solutions originales et « parfois saugrenues » pour capter prostitués, clochards ou autres sujets. Il prouve en élargissant son approche que la photographie reste à ses yeux « l’art qui ment le moins ». Du moins quand un Brassaï s’en empare. Cela est devenu plus discutable avec l’épidémie des selfies.

Image à la Une © Éditions Gallimard.

Article mentionnant l’entretien réalisé par Guillaume Narguet pour Zone Critique, à (re)découvrir dans son intégralité au lien suivant.

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