Brumes

Brumes - © Nicolas-Evariste-Pipe

Le train fend le gris,
Le noir et le bleu,
Le cobalt et le brun,
De l’indifférencié.
C’est un Turner ouaté,
Pastel, effacé,
Vaporeux sans vapeur,
Et lointain d’une fêlure.
Le fusain a laissé
Ça et là,
Des traits charbonneux,
Seules traces tangibles
D’un réel qui me fuit.
Dans le coton nauséeux,
Le métal vrombit,
Sans direction aucune,
Si ce n’est le non sens.
Quelques gouttes égarées
D’une bruine maussade
Suggèrent la vitesse,
Et peut-être,
Là-bas,
Une autre cité noirâtre,
Déroulant,
Avec semblable obstination,
Ses foyers noircis,
De civilisation.
Nous quittons Manchester,
Et ses voutes vantardes,
Sa brume obstinée,
Ses répétitives rues,
Sa face quadrillée
Et son effervescence.
Le smog s’éclaircit,
Peu à peu,

À Warrington,
Mais le trouble,
Inlassablement,
Signera son retour,
Sur la sombre Liverpool,
Et sous ces cieux bornés,
Au soir s’apaisera le Nord.
La buée embaume,
Notre cercueil d’acier,
Et son désespoir lancé,
À l’assaut du brouillard.
Le métal étouffe,
Toussote et ronronne,
Le néant nous enserre,
Et je ne vois plus rien.
Les frondaisons fumigènes,
Métronomes visuels,
Ont fondu sous l’ombre,
D’une nuit exclusive.
Et je fixe alors,
Ce hublot qui condense,
Et d’où s’exhale,
Une chimérique présence.
En toi s’immiscent mes sens.
Et, pour qu’ils ne tremblent plus,
J’encre les contours
Troubles que tu m’offres
En vain, les formes m’échappent,
Courent, roulent, et se brisent,
Sur la digue de ma raison.
Je cligne des yeux pour qu’une fois
Revienne l’exquis mirage,
Qu’il m’habite une seconde.
Que je jouisse pleinement,
De cette réapparition.

Illustré par Nicolas Evariste.

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