Mon corps sans moi

Je où ça ?

LIVRE « Mon corps sans moi » par Bernard Noël et dessins de Damien Daufresne aux Éditions Fata Morgana.

Bernard Noël rappelle comment un certain vide existentiel se manifeste et comment une œuvre devient le moyen de survivre à ce mal profond, à cet émiettement de soi-même qui, finalement, n’a jamais quitté le poète sauf à de rares moments (plus engagés ou romanesques). La masse (du moins ce qu’il en reste) poétique est modelée par la volonté du « je » dont l’espace est plus ou moins informe. Ne demeure qu’un corps dans l’espoir de trouver un sommeil d’épuisé. Et avec d’autant de satisfaction que le mouvement à lui seul constitue une espèce d’anesthésie. Mais il permet au discours de se poursuivre encore un peu.

Bernard Noël © Éditions Fata Morgana.

Existe ce que Beckett dans une de ses dernières lettres nomme pour sa part une «désantrhropomorphisation» et la redéfinition poétique de facto du rapport langage-monde. Le battement rythmique renvoie moins aux miasmes physiques et affectifs qu’il ne libère des vieilles typifications et simplifications des moralités dont la poésie est souvent infectée par l’élevage sélectifs des vices et des vertus. Noël met son lecteur en face des traces d’un corps dont la géographie anatomique est éparpillée et décousue. La forme cède sous le battement incessant de la parole dans un va-et-vient entre le corps et le texte en une  négation de la vie. Elle a pris parfois chez Noël l’aspect de symptômes physiques terrifiants par lesquels le poète a pris conscience de quelque chose de morbide en lui-même. L’auteur le conçut longtemps comme inexprimable il trouve là une formulation mais permet de rendre tolérable le métier de rester vivant.

Image à la Une © Éditions Fata Morgana.

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