Chronique québécoise

Chronique québécoise_Lola-Lou Fergeau-Mariko

Voyage, je cours à la poursuite de noms pour qu’ils deviennent réalité, image vibrante à imprimer dans la mémoire, récit.

Chutes du Niagara
Hors de la bruine il faisait lourd
Hésitation printemps / été

Louer un char et partir sur l’île émeraude. Un char pour pas cher, pour être libre.
Juchée sur mon char à cent chevaux, arpenter cette terre qui est un joyau émeraude et bleu et vert enveloppé de soie grise, une soie très légère car elle émane de l’eau et du ciel et baigne la terre d’une atmosphère translucide.

Femme seule et froide, intrépide, je cours.

À Québec, retrouver la saveur d’une ville européenne, les ruelles étroites bordées de commerces. Tout est croche, la ville est courbe, le lierre s’accroche aux vieilles pierres et des arbres centenaires veillent sur le cimetière.
Les mots sont vieux et neufs : pantoute, bonjour, plate, icitte, salle de bain, chocolatine, souper, correc’, tabarnac’.
Ils sont les épices de ces rues grises et ocres, ils sont le ciment qui unit les Québécois, les signes d’une mémoire qui voudrait se dérober sous les coups de « Je me souviens ».

Femme, je cours en voyage, intrépide vers les mots qui se dérobent
Montréal
Bourgeons qui affleurent sous la neige
Tentation de l’été

À Québec, il y a des remparts et des faubourgs, un hôtel en forme de château, des églises et des places d’une rotondité douteuse qu’un kiosque ponctue parfois.
À Québec, je me perds dans mes souvenirs, je me souviens. Tout remonte à la faveur de quelques pierres et d’une musique enivrante. Je me souviens.

La caméra en panne, c’est mon stylographe qui capture les images, la douceur d’un matin sans pluie, d’un ciel aux cumulus clairsemés. La verdure après les pavés : une forêt de feuillus semée de pissenlits voyageurs.

Je cours après les mots sur les sentiers battus darbres immobiles.

À Québec, je ferme les yeux et je vois. Tu me dérobes à la ville, t’invites en filigrane sur les fleurs, les panneaux explicatifs, les devantures des magasins et le Saint-Laurent qui se prélasse. Dans la touffeur de cet après-midi de juin où chaque effort est prétexte au repos, il est douce obsession, piment de la vie.

Soir qui respire. Matin qui tangue dans un hasard mystique.
Le vent est ce cavalier fugitif que je caresse.
Cours.

Comme une tête qu’aucun cou ne relie aux épaules, l’été s’est posé sur l’hiver, sans transition. Le temps de jeter les foulards à la laveuse et l’on sue déjà sans rien faire. Si l’hiver est sec à Montréal, l’été est humide et la chaleur terrible. En juin, la sueur devient une seconde peau et les corps s’ouvrent à l’amour.

La caméra en panne, c’est mon stylographe qui capture les images de cette ville enfouie dans mes fibres.

Montréal.

Feuillet illustré par une photographie originale de Lola-Lou Fergeau-Mariko.

Écoutez « Chronique québécoise » lu par Antoine Formica.

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