Deborah de Robertis

Douche chaude et gorge froide – la lutte continue.

Je récupère plutôt que je ne suis récupérée, tel est le jeu que je joue avec le monde de l’art. C’est, de mon point de vue, le seul dialogue possible. Pendant que le sexe de L’Origine du Monde continue de remplir les caisses du musée d’Orsay, mon sexe exploite les murs des institutions parisiennes les plus prestigieuses, écrit Deborah de Robertis. Et d’ajouter : « Ceci est mon territoire, ceci est mon histoire. En tant que femme, en tant qu’artiste, je me la réapproprie comme une chienne qui pisse».

Dans le cadre de l’exposition « Images en Lutte », aux Beaux-Arts de Paris, l’artiste fut officiellement invitée-pour participer à un cycle de performances organisé par Jeune Création (pour sa 68e édition en hommage à mai 68). Voulant proposer une œuvre politique et subversive dans un tel cadre institutionnel aux règles précise, la créatrice a cherché à les transgresser tout en cherchant à éviter la récupération. Elle a donc mis en scène le film d’une performance, où l’artiste devient son propre modèle qui urine sur l’invitation préalablement réimprimée sur 1 mètre carré. Elle voulait donc projeter cette vidéo.

© Deborah de Robertis.

Dans sa reprise de la « liberté » de Delacroix, l’artiste porte une GoPro en guise de couronne et exhibe son sexe en lieu et place de drapeau. Au sein nu de Delacroix, elle substitue son intimité. Et dans cet espace historiquement marqué l’artiste voulait devenir le « bras armé » des « muses silencieuses de l’histoire de l’art, y compris celle qu’incarne le nu féminin au centre de la fresque monumentale située à l’intérieur de l’amphithéâtre d’honneur. ». Paul Delaroche y fait de la femme « La renommée distribuant les couronnes ». Dans sa recomposition l’artiste dépouille le modèle de son rôle de papier-bulles, de gogo-girl ou d’hôtesse récompensant la victoire masculine. Et comme dans un tableau célèbre, telle Napoléon, l’artiste se couronne elle-même. Mais mal lui en a pris : elle n’a pu présenter son travail sous prétextes de « mesures de sécurité ». On se demande en effet quel risque présidait à un tel actionnisme et/ou performance…

Face à cet acte de pure censure, Deborah De Robertis est revenue quelques jours plus tard. Son but était de réinterpréter le modèle du tableau en performance afin de tester le degré de liberté de cette exposition prétendument révolutionnaire. Elle a été vite une nouvelle fois évacuée au non de l’interdiction de toute projection, tout liquide. Ce qui de fait un bon prétexte pour censurer toute performance eu égard à cette torsion hypocrite.

L’artiste a décidé de se défendre et de déposer une plainte contre les organisateurs de Jeune Création et son agression lors de la performance « Golden Shower » dans l’amphithéâtre de l’École des Beaux-Arts de Paris. Et ce non en son nom propre mais pour « prendre la défense de toutes les agressions de l’institution envers le sexe féminin. ». Depuis le classicisme la représentation de sexe féminin répond à un rejet « victorien » surtout lorsqu’il devient le moyen – par sa présence charnelle – de se transformer en pamphlet contre l’ordre qui est toujours dérangé par ce qui représente de « sympathy with the devil » comme chantait les Rolling Stones.

© Deborah de Robertis.

Existe pourtant dans l’œuvre de Deborah de Robertis toute une tension intelligente pour une véritable avancée dans l’ordre des « représentations ». Mais c’est bien là le problème. Aux Beaux-Arts, lieu propice apparemment plus à la conservation qu’au devenir ; l’artiste a été expulsée sans ménagement et avec des mots sexistes au moment où les vigiles des Beaux-Arts, afin de camoufler leur répression, ont pris en otage les membres de l’équipe de l’artiste pour récupérer les images filmées afin de cacher l’évènement.

La Marianne créatrice et qui pisse n’est cependant en rien de l’ordre d’un simple coup médiatique. Il s’agit d’un néoactionnisme dada et féminin.

L’artiste rappelle quitte à choquer qu’« uriner dans l’espace public en tant que femme est un geste d’émancipation ». Et dans sa version longue de la vidéo – où elle urine sexe ouvert face caméra – peut se lire sur l’intérieur de sa cuisse « R.MUTT » en référence à l’urinoir de Duchamp. C’est un moyen pour l’artiste d’inverser l’histoire, de changer de point de vue. Et l’artiste d’ajouter « c’est le voyeur qui se fait pisser dessus. Ceci est un droit de réponse. ». On voit que ce dernier a du mal à se faire entendre et voir. Mais Deborah de Robertis de désarme pas. « Ça suit son cours » disait un perdant de Beckett. L’artiste fait comme lui mais pour une victoire même si le sexe féminin reste un objet pornographique et obscène sauf bien sûr à être détourné par les arbitraires esthétiques que l’ordre moral tolère en son érotisme marchand.

Image à la Une © Deborah de Robertis.

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