Il me renvoie à semblable, puis de semblable, il me propose pareil, identique…
L’identité serait ce qui fait de nous des semblables, des identiques en niant ce qui nous est propre… comme aimer les pulls en laine, ou les profiteroles au caramel, ou encore les promenades hivernales dans le lit d’un torrent glacé… Non, je m’insurge ! Que dis-je ! Je m’indigne alors… Je respire un petit peu, me calme, reprends mon souffle.
Littéral, textuel, mot pour mot, conforme, le même, ressemblant, tout craché… Tout craché retient soudain mon attention : une petite voix me hurle à l’oreille : « Tu es le portrait craché de ta mère ! ». Bizarrement, cela m’irrite que l’on me compare sans arrêt à ma mère. Oui, je lui ressemble, et alors. Je suis son fils. Il n’y avait pas de doute avant même que l’on constate que, effectivement, je lui ressemble et que, par conséquent, je suis bien le fils de ma mère. Je poursuis.
Mon identité me paraît en contradiction ! Ce qui fait mon identité serait davantage ce qui me différencie, au lieu de ce qui me fait semblable. J’ai une identité kabyle, comme des millions, et normande, comme des milliers. Cependant, même ce métissage demeure plutôt commun : je pourrais citer Isabelle Adjani ou Arnaud Montebourg, pour ne prendre que les plus célèbres. Nous sommes nombreux. Ainsi, même mon arbre généalogique n’est pas atypique. C’est d’un déprimant ! Que faire ?
Ressemblance, identité, parité, réassortiment, similitude, affinité…Peut-être que je tiens enfin la clef de l’identité ! Ce qui me caractérise serait assurément mes affinités, mes amis, mes passions, mes hobbies, mes amours. Je deviens un tantinet fleur bleue tout à coup ? Étonnant ! De plus, cela me paraît bien volatile comme approche, vu que je me passionne à peu près, et je dis bien à peu près, pour tout… et que mes centres d’intérêt changent souvent…
Rapprochement, rapport, conformité, analogie, imitation…Jamais ! Enfin, si au début de toute activité, l’imitation est un très bon exercice. En effet, quel peintre débutant n’a pas rêvé d’imiter un jour Raphaël et d’égaler sa belle Fornarina ? Mais le modèle, il faut ensuite s’en éloigner. Image, copie, simulacre, double, duplicata. Je pense au photocopieur, cet objet emblématique des préfabriqués, ce symbole de bureautique, ce distributeur acharné d’identité identique.
Jus vert et verjus, bonnet blanc et blanc bonnet, imitateur, contrefacteur, moutonnier, mouton de Panurge. Ah ! Vision d’horreur ! Je suis au bord du gouffre ! Victor Hugo me poursuit, me course, me rattrape, brandissant sauvagement ses Contemplations. L’identité est un abîme paradoxal qui s’habille de noir. Dès qu’elle me semble être à ma portée, elle se cache, me trompe, m’évite. Elle réside à côté de moi, pourtant je ne peux la toucher ! Proche et éloignée, multiple et unique, pareille et différente. C’est un faux trésor. Une merveille insondable. Elle résiste… Trop diverse, trop changeante, trop éphémère, qu’elle est, je ne peux lui donner un autre nom, puisqu’elle m’apparait telle une conjonction ou un adverbe qui se multiplie à l’infini… De même que, comme, selon que, ainsi que, semblablement, pareillement, tout comme…
À ma mère.
Photographie © Rim Laredj.