Je te fais un dessin

Le visible et après.

Roman « Je te fais un dessin » par Marc Cholodenko aux Éditions P.O.L, 128 pages, 13€.

Se soumettant à l’incoercible absence de rapports entre la nature et l’art, Marc Cholodenko représente ici et au mieux l’artiste « idéal » qui écarte l’exercice de la « reproduction » de toute tendance réaliste. Il impose parfois des chevelures éparses qu’il ne cesse d’épouiller et de réduire à quelques fils. L’image détruit, efface mais aussi recommence, produit, recompose bien plus que du réel.

Un minimaliste très particulier provoque l’apparition la plus sensible qui récuse dans l’image tout ce qui ne lui appartient pas. Bref avec Marc Cholodenko le dessin devient l’aventure existentielle, la figuration infigurable. Chaque texte grouille, agité d’un mouvement particulier et représente le lieu d’enfermement et d’ouverture où quelque chose « ne colle pas ». L’écriture en effet n’adhère plus aux apparences du monde puisqu’elle propose un décalage du motif dans ce qui tient au décrochement visuel.

La «  réflexion » se brise : le texte en avançant la mord, la détruit, la retape. Le lecteur n’est jamais confortablement installé car la littérature provoque un vertige. Car la littérature contrairement aux arts représentatifs ne s’acharne plus à vouloir arrêter le temps en le représentant. Il s’agit moins d’ouvrir une réflexion sur la peinture, mais de scruter le « blanchissement » cher à la rhétorique ; celui où l’image s’épuise lorsqu’enfin les yeux s’ouvrent là où l’objet de la représentation – fût il abstrait – échappe à l’effet miroir. Si bien que les « dessins » désapprennent à voir pour que l’invisible apparaisse dans l’évidence du sensible. Ils deviennent capables d’arracher du visible quand celui-ci s’arrache à nous.

Image à la Une © Éditions P.O.L.

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