La bête

Poème (Janvier 2015).

Les nuits sans l’ombre du repos
L’appel du large sous la peau
Je jett’ la plum’ dans l’encrier
Prenant l’air d’un aventurier
Assoiffé de contrées nouvelles
Voguant fou dans sa caravelle
Drapeau en main, tel un cador ;
Rêvant de faire de boue, de l’or,
J’absorbe l’éclat d’un croissant
De lune au silence angoissant ;
Avant que la fureur des hommes
N’embrasse la cité… En somme,
Je m’acharne à dompter la bête,
Une musiqu’ sans queue ni tête
Seule à pouvoir sonder mon être
Et l’ordonner : ordre du maître !
Il faut la voir de longues heures
Durant jouer de sa splendeur,
Ell’ qui m’ignor’ ouvertement
En dépit de mes rugissements
Furieux devant la page blanche
Où le vid’ provoqu’ l’avalanche
Inarrêtables de viles ratures
Indignes de toute littérature !
L’air distrait, je tourne en rond,
Médit’ sur La Fiac de Boisrond1
Avant de retrouver la piste
D’une mélodie qui me résiste,
Elle qui me sembl’ spectaculaire
Mariée au spleen de Baudelaire
Puissante, élégant’ chez Verlaine
Foll’’dans la prose rimbaldienne
Brillante sous l’Arbre de Diane2
Envoûtant’ chez Khalil Gibran
Déconcertant’ chez Vvedenski
Crue, hilarant’ chez Bukowski.
Parfois, ell’ sonne à mon oreille
Puis fond comme neige au soleil,
Me laissant seul porter la croix
Des mots que les maux foudroient.
C’est qu’il faut user de patience
Pour obtenir sa bienveillance,
Bannir les chemins de traverse ;
Quitte à tomber à la renverse
Se tailler à ses crocs acerbes
Afin que jaillisse le Verbe ;
La caresser dans l’sens du poil.
Mais lorsque l’intim’ je dévoile…
Las ! Elle clame le coup d’arrêt
Tout comme à l’idée d’un portrait
Narquois de la bêtise humaine :
« Pitié, assez de cett’ rengaine ! »
Implore-t-elle, genoux à terre…
(Cela se passe de commentaire).
Avant qu’ell’’ne prôn’ l’expérience
Écrit’ dépourvue de conscience ,
Maudite soit-elle s’il lui prend
De me faire entrer dans les rangs
De ceux que l’abus de complaintes
Noient aux rivières d’absinthe !
Obstiné, j’aspire à un doute
Lumineux traversant la voûte
Céleste ; qu’au bout de l’agonie
La bête puiss’ rugir d’harmonie
En moi !
1 BOISROND François, La Fiac. Acrylique sur toile (197 x 202 cm), 1989.
2 Arbre de Diane (Árbol de Diana) recueil de poèmes de PIZARNIK Alejandra, poétesse argentine (1936 – 1972).
© Photographie : Sébastien Duijndam

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