Le mendiant aux mains de neige

Avant.

LIVRE « Le mendiant aux mains de neige » par Salah Stétié aux Éditions Fata Morgana.

Si l’autobiographie fonde tout le travail de Stétié, sa mémoire tente de la travailler avec ce qu’il ne sait pas… À savoir ce qui va (toujours) devenir dans le passage au finir. Quand tout va bien, le corps est l’oubli du corps. Trouver l’oubli, c’est rentrer dans l’oublié. Cet oublié est un espace de communication ne s’y articule plus seulement le « je ». Le collectif, en nous, est l’oublié. Dès lors il s’agit de ne pas jouer les fanfarons pour faire le point là où Salah Stétié arrive au moment où il comprend que l’enfant qu’il était a trahi l’homme qu’il est devenu.

Salah Stétié.

Dès lors, pour lui le corps est un terrain archéologique. Mais comment le fouiller sinon par la poésie ? La vraie dont l’inscription ne se distingue pas de ses supports : la substance et le secret. Le secret de l’organique est de s’inscrire sensiblement en nous, tout en se dérobant à notre lecture. Néanmoins Stétié sait retenir ce qui se produit : « La joie habite avec moi dans mes poumons / Qui sont ruches, avec des millions d’abeilles / Et la brise incline une prairie en moi / Qui fait chanter en moi les asphodèles / Avec un bouquet rougi et ravi par le sang ». Ce que l’individu généralement oublie ; le poète ne perd pas de vue. Il sait ce qui le fait et qu’elle est son appartenance à lui-même comme à l’espèce humaine.

Pour Stétié le pressentiment du devenir n’est donc pas lié à l’oubli. À l’inverse de Bernard Noël il n’oublie pas l’oublié. Ni la mort qui arrive. Stétié la dessine sans pour autant s’en faire l’hôte. Face à son arrêt il retient les particules de l’espèce. Certes, avec le passage des ans, l’air est différent. Mais regardant sa main en train d’écrire le poète garde un mouvement léger. Des images passent : le poète les fixe. Et c’est pourquoi «  La mort n’est pas la mort, les insectes l’agréent / Et les pauvres mendiants à cause de la lune / Ont perdu la grande poussière des chemins /Où leurs sandales, comme au Japon, vont seules ». Les mots viennent dessus et les yeux du poète vont au sommet des arbres. Sa tête émerge, sent l’espace autour d’elle… Ce qui passe n’aura pas sa demeure dans l’oubli. Elle donne à l’espace sa substance.

Image à la Une © Éditions Fata Morgana.

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