le silence rouge

Le silence rouge

fléau d’une génération

Klaus Nomi
Chanteur allemand et icône de la scène new wave en 1980. Décédé en 1983.

Michel Foucault
Philosophe français. Décédé en 1984, les causes de sa mort ne furent pourtant rendues publiques que plusieurs années plus tard.

Rock Hudson
Acteur américain, il est la première personnalité au monde à avoir révélé sa maladie. Décédé en 1985.

Steve Tracy
Acteur américain connu pour son rôle de Percival Dalton dans la série La Petite Maison dans la prairie. Décédé en 1986.

Thierry Le Luron
Humoriste français. Il meurt en 1986, officiellement d’un cancer des cordes vocales, mais de nombreuses sources évoquent le sida : ce n’est que le 22 mars 2010 que Line Renaud lève le voile sur la maladie.

Copi
Dessinateur et homme de théâtre. Décédé en 1987.

Robert Mapplethorpe
Photographe américain. Décédé en 1989.

Paul Shenar
Acteur américain, connu pour avoir incarné Alejandro Sosa dans Scarface. Décédé en octobre 1989.

Bernard-Marie Koltès
Dramaturge français, auteur du Retour au désert et de Roberto Zucco. Décédé en 1989.

Jacques Demy
Réalisateur français. Décédé en 1990.

Hervé Guibert
Écrivain qui plaça le sida au coeur de son oeuvre, et qui dévoila sa maladie en 1990 dans l’ouvrage A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie. Décédé en 1991.

Freddie Mercury
Chanteur de rock lyrique et leader du groupe Queen. Il rendit sa maladie publique le 23 novembre 1991 et mourut le lendemain, le 24 novembre 1991.

Miles Davis
Compositeur et trompettiste de jazz américain. Décédé le 28 septembre 1991.

Anthony Perkins
Acteur américain, connu pour avoir incarné Norman Bates dans le film Psychose d’Alfred Hitchcock. Décédé en 1992.

Cyril Collard
Réalisateur. Il réalisa notamment le film autobiographique les Nuits fauves. Décédé en 1993.

Jean-Luc Lagarce
Dramaturge contemporain le plus joué en France, auteur du Pays lointain et de Juste la fin du monde. Décédé en 1995.

Si un ou plusieurs de ces noms vous disent quelque chose c’est normal, ils ont tous marqué leur époque, ils constituaient le tissu de l’intelligencia culturelle et artistique.
Si j’étais un jeune metteur en scène de ce début du XXIème siècle ravagé par la pesante histoire des dernières décennies, je serais, une fois de plus, héritier d’un passé lourd à porter. Mes pères, qui pour certains, rescapés, font le théâtre contemporain (Olivier Py ou Pascal Rambert), ont été pour beaucoup décimés par ce fléau incontestable qu’est le Sida.
Je pense ne pas trop m’avancer en affirmant que le paysage théâtral, et donc la société, n’auraient pas le même visage aujourd’hui sans toutes ces morts survenues de 83 à 95.
Adolescent, j’ai aimé Jean Luc Lagarce. Il est l’auteur contemporain le plus joué en France et constitue un marqueur de ce qu’est aujourd’hui l’écriture théâtrale. Emprunt d’une touche de quotidienneté assommante, d’une envie de théâtre social criante, d’un refus d’expérimentation underground et donc d’un déni des laboratoires de la fin du XXème siècle. Ses enfants sont aujourd’hui, même si je ne suis pas certain que cela leur fasse plaisir, Philippe Minyana, Joël Pommerat ou Gildas Milin. Voilà de quoi avoir envie que Jean Luc soit encore vivant.
Merci Sida !

Prenons Koltes. J’ai une histoire personnelle avec lui, Artaud est mort en 1948, Koltes est né en 48 et est mort en 89, moi je suis né en 89 et… Ne suis pas encore mort… Je suis donc la continuité logique, incontestable, indétrônable de ces deux génies. Je suis donc, un génie.
Merci Sida !

Michel Foucault, incontestable lorsqu’il publie ses essais sur la punition, la surveillance et autres considérations bienvenues sur les névroses de notre société, a été un fauteur de trouble toute sa vie, il a dérangé par sa vérité et beaucoup sont bien contents qu’il ne soit plus là, même s’ils sont tout à fait hypocrites sur le sujet.
Merci Sida !

Freddie Mercury, bien dommage qu’il nous ait quitté si vite, même si sans ça nous n’aurions jamais pu profiter du magnifique hommage qui lui a été rendu par Maurice Béjart en 1997.
Merci Sida !

Même chose pour Cyril Collard qui n’aurait jamais tourné les Nuits Fauves sans sa maladie…
Merci Sida !

Alors oui, le Sida est un fléau, oui il tue encore des milliers de personnes, même en France, oui il a changé les mentalités sexuelles (voir réponse de Antoine Guillot à Demetrio Trunfio dans le dossier de la rédaction page 30) et enfin, oui il a changé, en bien ou en mal, la face du monde culturel et donc, de la société. C’est incontestable. Qu’en penser ? Ce n’est pas à moi de répondre. Il me semble qu’il est encore bien trop tôt pour cela.

Antoine Guillot

Auteur / Metteur en scène / Comédien / La Compagnie Caravelle

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