Ecrire ou faire sa biographie

Ecrire ou faire sa biographie

pour immortaliser ses souvenirs.

Interview de Stanislas Dupleix, fondateur de la société Plume d’Eléphant. « Laisser une trace à travers un livre, cela a du sens ». Pour nous parler de la biographie, Stanislas Dupleix, dirigeant de la société de micro-édition Plume d’Eléphant, spécialisée dans les récits de vie. L’entreprise fédère un réseau de 80 biographes répartis sur l’ensemble de la France.

Stanislas, quel est le point de départ de Plume d’Eléphant ?

En devenant père, je me suis rendu compte que je n’avais pas de support à transmettre à mes enfants pour leur raconter l’histoire de mes propres grands-parents. Ils n’avaient rien écrit et cela me manquait. Plus généralement, il m’a semblé que trop peu de gens écrivaient leurs souvenirs ou se faisaient aider pour le faire.

Qu’est-ce qu’une biographie (ou une autobiographie) ?

A mon sens, il ne faut pas se prendre pour Chateaubriand.
Souvent, malheureusement, les gens qui écrivent leur vie (ou celle des autres), se croient obligés de faire une démonstration littéraire, avec métaphores, envolées lyriques… C’est rarement réussi et cela dépossède totalement la personne qui se raconte de son histoire.
L’objectif est de raconter, expliquer, décrire, analyser, donner des détails, sur des événements personnels, professionnels, contextuels.
Par exemple, la vie quotidienne au siècle dernier n’a rien à voir avec notre époque contemporaine. Ce décalage rend l’ordinaire extraordinaire. Il faut avoir la curiosité de l’explorer et la capacité de le décrire. La biographie, c’est du journalisme particulier, à destination de l’entourage.

Quel est l’intérêt d’une biographie ?

L’intérêt est de reconnecter des lecteurs au quotidien de leurs aînés et aux grands événements personnels ou historiques dont ils ont été les acteurs ou les témoins. Cela crée un lien supplémentaire au sein des familles, un trait d’union entre les générations. On comprend mieux l’Histoire quand on la vit à travers les mots de quelqu’un de sa famille.

A qui s’adresse ce type de récit ?

Pas besoin d’être ministre ou sportif de haut niveau pour avoir des choses à raconter. Toute vie mérite d’être écrite dans un livre à destination des proches : enfants, petits enfants, arrière-petits-enfants, amis, collègues, collaborateurs.

Faut-il attendre d’avoir 80 ans pour réaliser un tel projet ?

Non. Les clients de Plume d’Eléphant ont de 25 à 100 ans. On peut raconter son mariage ou la naissance d’un enfant, un moment de vie, un événement très fort : un voyage, une réalisation, un accident… On peut faire un bilan à mi-parcours, à 50 ans. Il n’y a pas d’âge pour avoir des choses à raconter et l’envie de transmettre.

N’est-ce pas un peu prétentieux d’écrire sa biographie ?

Je ne crois pas. C’est au contraire prendre conscience qu’on n’est qu’un maillon de la chaîne et pas le dernier. Transmettre, c’est accepter que l’on n’est pas immortel. ».

laisser une trace à travers un livre, cela a du sens.

Vous travaillez également avec des associations, des entreprises, des collectivités. Que racontent-elles ?

Les associations, entreprises ou collectivités sont avant tout des aventures humaines, d’engagements, de défis relevés, de moments heureux et difficiles, dans un contexte économique, social, politique donné. C’est très comparable à une biographie humaine. Le lectorat est juste moins familial.

Quel est le récit le plus émouvant que vous ayez eu à réaliser ?

Probablement celui d’une dame d’origine arménienne, qui raconte le massacre de sa famille, puis son arrivée en France, à 14 ans, pour servir d’éclaireur à sa famille et comprendre, pour eux, un nouveau pays, sa langue, ses codes…

Pourquoi faire appel à une personne extérieure ?

Pour prendre du recul. Seul face à la page blanche, on ne répond qu’à ses propres questions et on a moins de curiosité. Le décalage entre les générations permet aussi cela. Ce qui semble normal à quelqu’un de 80 ans ne le sera pas pour quelqu’un de 30 et c’est sur ces décalages que s’appuie la curiosité pour rendre le récit instructif.

Concrètement, comment se passe la réalisation d’une biographie ?

Les entretiens se déroulent au domicile des clients, par séances de deux heures. Ils sont enregistrés, puis retranscrits. En amont, les clients remplissent une grille préparatoire de plusieurs pages, permettant de cerner leurs attentes, les sujets qu’ils souhaitent aborder… La méthodologie des entretiens est inspirée du journalisme et de la sociologie. Le biographe est là pour cadrer les débats, poser les questions, faire préciser les détails, relancer la personne, l’aider à se raconter efficacement. Il est le confident privilégié d’un témoignage unique, le trait d’union entre une personne et son entourage. Il ne cherche pas à rétablir la vérité, son rôle n’est pas celui d’un enquêteur, d’un confesseur ou d’un psychanalyste, mais d’un collecteur d’informations et d’un passeur.

Pourquoi est-il important que ce récit soit imprimé dans un livre ?

Un livre, c’est à la fois très statutaire et très simple. Il sacralise le contenu et il le rend très intime. On le met dans sa bibliothèque ou on l’emporte avec soi dans son sac. On fait des annotations, des messages personnels, des dédicaces. C’est un support particulier et attachant. C’est aussi le support de l’instruction, de la transmission du savoir. Enfin, un livre est éternel. Laisser une trace à travers un livre, cela a du sens.

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