Les tondues

Les damnées.

Livre « Les tondues » – Texte de Perrine Le Querrec & Dessins de Jacques Cauda aux Éditions Z4, 38 pages, 12€.

Les femmes servent tout au long de l’Histoire de défouloir aux idéologies et la populace. À la fin de le Seconde Guerre Mondiale certaines furent traitées de « salopes putes ». Des fiers à bras montèrent sur des ridelles « pour leur arracher les vêtements, jeter des légumes pourris et s’essuyer les mains sur les crânes tondus ». D’autres les exécutèrent d’une balle dans la tête. Ce fut là une nouvelle version des sévices que les hommes assènent à leurs compagnes voire leurs filles (des victimes n’avaient pas 18 ans) en oubliant de demander aux premiers « s’ils avaient couché avec une Allemande ».

Mais l’histoire ne s’est pas arrêtée en si bon chemin. Il faut à la prétendue morale politique des exutoires « L’ennemi c’est l’ennemie, la femme c’est l’ennemie (…) La chevelure c’est l’ennemie » écrit Perrine Le Querrec dans sa langue à la fois liée / hachée. Et il existe toujours des bonnes âmes pour (se) le faire croire. D’où l’urgence l’un tel livre.

Perrine Le Querrec.

L’auteure rappelle combien les « raclures de boches » sont dans la logique de l’Histoire. Au XVIIe siècle déjà on rasait les femmes jetées en prison. En Afghanistan aujourd’hui d’autres sont tuées parce qu’elles sortent de leurs foyers afin d’aller travailler. Rien de plus fort que la torture morale et bien sûr la mort pour apprendre à vivre ou vouer aux gémonies celles qui censées être de petite vertu : elles en ont pourtant souvent beaucoup plus que leurs bourreaux.

Mais cela demeure la manière de se « libérer » à bon compte sur le dos de celles qui restent, écrit l’auteure, la preuve de « l’inégalité flagrante vivante souffrante vibrante rayonnante ». Certes de tels actes ne salissent que ceux qui les commettent. Mais le cri est nécessaire afin de souligner la lâcheté d’hommes toujours plus prompts au crime qu’ils sont résistants de la dernière heure…

Ajoutons que les dessins de bustes de Cauda, la chair qui s’y soulève ou s’y creuse, vouée au sacrifice par les « justes » deviennent les frémissements qui renforcent les mots du poème. Les visages anonymes aux traits embryonnaires questionnent le destin d’un monde qui bégaye et où la question du genre reste essentielle.

Les tondues © Jacques Cauda.

Il y a soudain une manière noire de montrer le corps. La douceur est dedans. Mais dehors il n’est que la violence des « coiffeurs », des tueurs, des voyeurs bref des coupeurs de têtes qui n’ont cesse d’en s’en repaître. Contre la honte que l’idéologie veut programmer Perrine Le Querrec a le mérite de réhabiliter les damnées. Elle reste l’orante avec sa parole en plus. Elle se nourrit de la douleur pour espérer un autre spectacle que le carnaval des innocentes.

Image à la Une © Z4 Éditions.

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