Les énergies dissipées.
Essai de François Xavier, « Lexies de l’œil – Dialogue avec Christian Jaccard ». Éditions du Littéraire.
Christian Jaccard crée un travail avec le feu. Parfois, quittant son atelier, il s’empare de l’espace afin de créer ses tableaux éphémères en se confrontant à une friche industrielle ou à une ancienne mine. Ces « performances », ces « actions painting et burning » ont pour objet de brûler les murs et édifices afin de solliciter chez le spectateur une véritable expérimentation de l’acte créateur dans un processus bien plus complexe qu’il n’y paraît.
Jaccard réinsère du ludique dans l’art sans pour autant estimer que l’art n’est pas sérieux. Au contraire. Il reste une activité suprême que l’artiste se doit d’en rouvrir le jeu par des gestes iconoclastes, primitifs, rupestres dont l’apparent non-sens cache une stratégie ambitieuse. La suie sombre des traces devient voluptueuse et la calcination provoque d’étranges volutes. Elles inventent un nouveau clair-obscur et une vaporisation, une hantise de l’air.
Entre les volutes des fumées et « les merveilleux nuages » dont parlait Baudelaire une jonction se produit. Dans les deux cas la déformation incessante des éléments volatiles sollicite l’imaginaire par les perceptions aléatoires qu’elle produit. Elle laisse une place au hasard auquel l’artiste doit parfois se plier pour l’intégrer dans sa démarche. Car le feu n’est pas un complice qui se laisse dompter.
Image à la Une © Éditions du Littéraire.