Lucie Geffré & Jean-Louis Bernard

Mutations du portrait.

EXPOSITION « Lucie Geffré & Jean-Louis Bernard » du 13 juin au 20 juillet 2019 à la Galerie Ruffieux-Bril, Chambéry.

Jean-Louis Bernard dans un Arte povera d’un genre particulier crée des magasins de curiosité habilement fléché. Il ne s’agit pas d’empiler des objets de « récupération » mais de les repositionner, de les mettre en tension qui sans rapprocher toutefois le sculpteur d’un art plus conceptuel crée une série de portraits décalés en une forme de matérialisation de l’invisible et un renversement de l’objet art.


Fétiche pour ne pas oublier que les dragons sont un très grand danger, 64 cm (2015) © Jean-Louis Bernard.

L’objectif est chaque fois de brouiller les pistes. L’art devient une zone d’indétermination. Il donne à la densité continue du monde de nouvelles perspectives. Les œuvres ne cessent de jouer entre opacité et transparence. Cette remise en cause des champs référentiels reste capitale. Elle n’est ni un reniement, ni une négation du savoir artistique mais l’expression d’une redisposition de l’art.

Contre les nostalgiques de la transcendance, de la sacralisation de l’art et contre les cyniques qui se contentent de jouer avec les simulacres Bernard préfère spéculer sur « l’usure » des champs référentiels pour les exhiber ironiquement volontiers avec faste et un certain « mauvais » goût. C’est une manière de mettre le sacré en porte-à-faux et d’introduire du fétiche dans celui du corps. Tout s’encanaille par ce travail à mains nues où l’apparent bricolage artisanal prend une dimension d’art altier et sauvage.

À ce monde répond en écho les portraits de Lucie Geffré. La peintre et sculptrice en saisit des moments aussi fugaces qu’inconnus dans la violence de ses « averses ». Elles ont tout de l’orage, de la tempête chromatique. Une sorte de mystère habite chaque toile. Il ne s’agit plus de ré-enchanter le monde mais de s’approcher d’une vérité d’incorporation.

L’écoute, technique mixte sur toile, 130 x 81 cm (2014) © Lucie Geffré.

L’être semble toujours sous la coupe d’une menace, d’un écrasement. Un fil secret relie ici le plaisir de faire à une sorte de terreur. Le cœur des « idoles » sensé être exhibé est mis à mal loin de l’académisme. L’artiste le refuse pour réveiller par ses « portraits » les handicapés de la sensation par l’irruption d’un sensible éloigné des régimes classiques de la représentation.

Existent dans les deux cas un refus de la consommation passive des images. Les deux artistes ne sont ni des conservateurs ni des fétichistes. Il y a chez eux du « tout à détruire » dans le portrait classique. Ils s’y emploient mais plus en iconophiles plus qu’iconophages.

Chez Bernard une forme d’« irréalité » forcenée et (presque) comique, chez Lucie Geffré un témoignage d’une dislocation de la figuration morte pour celle qui bouge, créent une certaine déperdition de la figuration. Elle fait le jeu de sa recomposition par agitation et mouvance dans l’immobilité de la toile ou dans le bric à brac de la statuaire.

Par ces deux expériences les artistes prouvent qu’ils ne sont pas plus condamnés au martyr qu’à devenir animateurs-décorateurs. Existent des actes de transformation en des textures ou des taches qui relancent la perception.

Deux RDV sont à noter durant cette exposition :

  • Le jeudi 27 juin à 19h15 > Rencontre avec Lucie Geffré, médiation de Jean-Paul Gavard-Perret sur le thème « Autour du portrait dans la peinture contemporaine ».
  • Le jeudi 11 juillet à 19h15 > Discussion en présence de Jean-Louis Bernard sur le thème « La sculpture, une musique solide ? », avec des interventions en live de Jacques Curtet, interprète et compositeur de musique électro-acoustique.

Image à la Une © Galerie Ruffieux-Bril, Atelier Guy Restelli.

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