Odile Massé

Pendants de lumière.

Odile Massé, « Sortir du trou » – dessins de Jean-Claude Terrier, L’Atelier contemporain, 2016, 88 pages, 15€.

Depuis « Alma mater », (AEncrages & Co), « La femme poussière », (Manya) jusqu’à ce magnifique « Sortir du trou », Odile Massé transforme ses textes en une histoire de sons fondamentaux. Et ce au nom d’une fixation première émise dans « Manger la terre » : « nous aurions préféré n’être pas, nous aurions préféré remonter dans le ventre maternel, y remonter jusqu’au tréfonds, jusqu’au flottement amniotique et plus loin encore, jusqu’à la séparation de l’ovule et de l’autre, retourner aux origines, aux limbes inconscients ». Mais l’auteur ne cesse de lutter contre le poids de néant. L’aventure du langage devient celle d’un germe de vie à trouver sans qu’un visiteur pasolinien, ange ou démon, ne l’apporte.

Odile Massé 02Au non-être succède l’être en une sorte d’accouchement différé comme si le premier n’avait pas été le « bon ». Afin que le paradigme de l’impuissance ne se poursuive pas dans le manque, celle qui, souvent, aurait souhaité « l’amnésie, l’absence pure où nous n’étions rien » et qui aurait « préféré n’avoir pas à préférer » instaure une possibilité inaugurale. Une brèche s’ouvre, la lumière est au bout. La tête boule bien haute voit enfin le jour. L’être s’offre la levée de la nuit dans laquelle rôdaient ses fantômes.

Le fléchage des mots permet de « sortir du trou » en acceptant le risque d’activer des émotions. Désormais elles deviennent supportables. Le texte mobilise leur énergie. L’être s’inscrit enfin dans une temporalité et n’est plus une « nature-morte ». Quelque chose du dehors renvoie au dedans. À la « perte de connaissance » fait place la reconquête superbement scandée. Au mouvement de recul s’oppose une avancée. Née de la nuit, l’enfant devenue plus qu’adulte n’a plus à y retourner. Sortant du « troudit » de Beckett l’être devient Bouche parlante : il reprend corps et vie.

La poétesse sort d’un sommeil paradoxal : il ne s’agit plus seulement d’exprimer le chaos de l’être dans son rapport à lui-même et au monde mais d’oser enfin le « moi ». Certes il n’est pas « pur » ou parfait comme l’auteure l’avait trop mal rêvée. Et ce jusqu’à l’empêcher de vivre. Désormais quelque chose suit son cours. Odile Massé renonce à douter de son existence et sait enfin ce dont elle parle lorsqu’elle écrit « vie » ou « vivre ». Manière de rendre à l’Imaginaire son plein pouvoir. Car il n’est pas le contraire du réel mais permet de le réinventer lorsque bien sûr il ne se contente pas de lui accorder un effet mais une consistance.

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