Féminisme ou despotisme ?
Coincé discrètement à l’angle de la rue Saint-Augustin et Gaillon, le restaurant mythique du Drouant s’ébranle.
Ce n’est pourtant pas l’affluence des fins gourmets pour le service de midi qui a aujourd’hui fait trembler les vitres anonymes de cet établissement mythique du deuxième arrondissement de Paris, car depuis 1914, il est le lieu de résidence de la prestigieuse Académie Goncourt qui décerne, chaque année, son grand prix littéraire – non moins prestigieux et somme toute financièrement juteux – à l’Auteur Français Élu et récompense ainsi le « meilleur ouvrage d’imagination en prose » de la rentrée. En définitive, le plus beau prix pour le plus beau roman. Aujourd’hui, sur les douze coups de midi, c’est l’écrivain Lydie Salvayre qui reçoit avec émotion le prix Goncourt 2014 pour son livre Pas pleurer paru aux éditions Seuil.
Malgré les pronostics, qui mettaient l’algérien Kamel Daoud en favori avec son roman Meursault, contre-enquête (Actes Sud), c’est l’ouvrage sur la guerre civile espagnole de Lydie Salvayre qui rafle la mise, à six voix contre quatre au cinquième tour. Une bataille serrée qui voit alors couronner la 10ème femme écrivain depuis sa création en 1896 (contre 102 hommes) et assoit donc sur le trône vacillant de la littérature, cette auteur de soixante-six ans d’origine espagnole. Un sursaut de suspens que nous impose donc la bande à Bernard Pivot (Président du jury) qui, depuis quelques années, et notamment pour cette édition 2014 avec ce choix surprenant d’écarter Eric Reinhardt et son très bon L’Amour et les forêts, continue d’assombrir l’image et la véritable présomption littéraire de ce prix légendaire devenu aujourd’hui produit publicitaire.
Pas pleurer reste néanmoins un très bon livre porté par une plume de qualité, et si ce n’était pas la grâce que nous attendions, il a néanmoins le mérite de propulser une femme sur le devant de la scène littéraire qui, avons-nous besoin de le rappeler, souffre pour le moment et depuis des années, de ces succès éditoriaux mettant à l’honneur des auteurs médiocres aux existences et prétentions dignes de candidats de téléréalité.
Le Prix Renaudot est quand à lui décerné à David Foenkinos, primé pour son ouvrage Charlotte (Gallimard), hommage à l’existence sulfureuse et funeste de l’artiste peintre Charlotte Salomon, morte dans le camp d’Auschwitz en 1943.
Sans remâcher l’amertume des vaincus et vomir ainsi la bile rancunière des nostalgiques d’une époque où littéraire rimait avec solitaire, cet événement reste encore la meilleure chaire à l’art d’écrire, et si ce couronnement est bien plus une promesse marketing pour l’auteur qu’un gage de qualité pour les lecteurs, nous ne pouvons qu’applaudir la nouvelle lauréate Lydie Salvayre.
Françoise
Juste comme ça: « Meursault contre-attaque », c’est un jeu de mots ironique? … Parce que le titre de Kamel Daoud, c’est « Meursault contre-enquête ». Comme il y a une grosse faute d’orthographe sur « continue » (vous avez écrit « continu »), je me permets d’avoir un doute… C’est bien de critiquer les prix, d’autant plus que je suis très chagrinée de l’évincement d’Eric Reinhardt, mais attention à la façon dont vous écrivez… (Pas obligé de publier mon commentaire, c’était juste une remarque bienveillante pour vous avertir!)