Trans (més enllà)

Des paroles libérées.

Avec sa nouvelle création Trans (més enllà), Didier Ruiz se fait le passeur d’histoires intimes dans un théâtre qui ne se veut pas documentaire mais qui libère avec une grande sobriété des paroles livrées à l’état brut.

Sur un plateau très épuré, avec seulement quelques voilages blancs disposés en arc de cercle à l’arrière-plan, sept personnes se présentent frontalement au public pour raconter leurs histoires. Ces personnes ne sont pas des acteurs professionnels et montent, avec ce spectacle, pour la toute première fois sur un plateau. Ces personnes font partie des invisibles de nos sociétés, celles et ceux à qui la parole publique est rarement donnée si ce n’est dans des cas de figure qui tendent à les marginaliser ou à les enfermer dans des clichés. Ces personnes sont transsexuelles ; elles étaient femmes et sont devenu(e)s hommes, ils étaient hommes et sont devenu(e)s femmes.

Didier Ruiz © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon.

Accompagnés dans leur parole par Didier Ruiz, ils et elles témoignent de leurs vécus sans aucun artifice, ni aucune forme de spectaculaire. Cette parole est donnée en passant par le simple récit et par la vérité des corps qui se déplacent, parfois, dans une partition doucement chorégraphiée. Il est en effet une forme de douceur à les écouter car elle passe par la justesse de la transmission des mots. Cette douceur peut s’avérer contradictoire avec certaines parties des récits car violences, jugements, incompréhensions, tentative de suicide témoignent de souffrances passées. Mais il est aussi de belles choses qui se racontent comme l’enfant disant à son père en transition : « Papa, tu veux qu’on achète des vêtements de femme pour toi ? ». Ou cet autre qui se rappelle : « Qu’un jour, les filles de ma compagne se sont mises à m’appeler papa ».

Clara, Sandra, Leyre, Raúl, Ian, Dany et Neus se présentent donc comme ils sont ; né(e)s dans un genre qu’ils n’ont pas choisi, qui n’était pas le leur. Il est une forme de libération, d’évidence à les entendre car une des forces de Trans (més enllà) est d’arriver à diffuser un propos hautement politique tout au long de la représentation sans que ce dernier ne tombe dans une forme de revendication. Rencontrer ces personnes dans cette forme-là est nécessaire. Trans (més enllà) devrait être vu par le plus grand nombre car ce spectacle participe à ouvrir les esprits pour tendre vers quelque chose qui est primordiale : comprendre l’autre tel qu’il est.

Image à la Une © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon.

Kristina D'Agostin

Rédactrice en chef de Carnet d'Art • Journaliste culturelle • Pour m'écrire : contact@carnetdart.com

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