We’re pretty fuckin’ far from okay

Les peurs, corps et âmes.

Dans sa création We’re pretty fuckin’ far from okay, la flamande Lisbeth Gruwez sonde les peurs et les angoisses au travers d’un travail chorégraphique pour deux interprètes qui se révèle comme une véritable performance touchant aux zones d’inconfort.

Sur un plateau nu se dévoile le duo formé par Lisbeth Gruwez – ex-égérie de Jan Fabre ayant notamment été la prodigieuse interprète dans Quando l’uomo principale è una donna en 2004 – et par Nicolas Vladyslav – danseur de la troupe créé par Alain Platel, Les Ballets C de la B, et qui a également travaillé régulièrement avec Sidi Larbi Cherkaoui.

Le couple se révèle d’abord dans son individualité en étant séparé, chacun sur leur chaise, à partir de laquelle ils évolueront dans une mise en tension croissante. Les mouvements lents, spasmodiques laissent penser à des gestes de protection, aux visages terrifiés et crispés, librement adaptés du film d’Alfred Hitchcock, Les Oiseaux, point de départ de ce travail chorégraphique car « la peur dont on y parle est irrationnelle. C’est une phobie, voire une paranoïa qui résonne fortement dans le monde actuel ». La composition sonore signée Maarten Van Cauwenberghe peut être perçue comme un troisième interprète tant celle-ci est justement corrélée aux émotions transmises par les deux danseurs.

On sent toute l’influence de Jan Fabre dans l’épuisement de l’interprète à la différence près que Lisbeth Gruwez se réapproprie pleinement cette notion en la transposant dans le temps qui semble alors se dilater à l’extrême. Cette femme et cet homme ne semblent pas pouvoir s’aider l’un l’autre, comme pris dans une torpeur. Même lorsque les corps se rapprochent et finissent enfin par se toucher, ils ont l’air toujours en lutte, contre eux-mêmes, contre l’autre. We’re pretty fuckin’ far from okay pénètre les corps et les âmes en nous jetant face à une partition ébranlant des sentiments souvent réprimés.

We’re pretty fuckin’ far from okay, par Lisbeth Gruwez. Gymnase Paul Giéra, jusqu’au 24 juillet à 18h30. Durée : 1h.
Pièce également présentée à La Bâtie Festival de Genève, les 3 et 4 septembre 2016.

Photographie à la Une © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon.

 

Kristina D'Agostin

Rédactrice en chef de Carnet d'Art • Journaliste culturelle • Pour m'écrire : contact@carnetdart.com

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