70e Festival d’Avignon

Dans un mois tout juste débute la 70ème édition du Festival d’Avignon. La troisième programmation d’Olivier Py se compose d’artistes engagés, se nourrissant du monde qui nous entoure. Passé le temps de la réflexion nécessaire, le temps de la création, de l’engagement, de la dénonciation, de la prise de conscience s’amorce. Plus que jamais les artistes ont des choses à dire, et ce n’est là qu’un début…

Les Damnés d’Ivo van Hove.

Annoncé depuis l’année dernière, Ivo van Hove et la troupe de la Comédie Française prennent place dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes. En 2014, le metteur en scène avait présenté un exceptionnel The Foutainhead qui retraçait questionnait sans concession le statut de l’artiste et l’essence même de la création.

Avec Les Damnés, Ivo van Hove part du scénario de Visconti racontant l’histoire de la famille Essenbeck au moment où les nazis triomphent en Allemagne. Prendre la décision de s’allier à un régime politique que l’on exècre, rentrer dans le rang et faire fît de ses convictions. La perversion des rapports entre individus fait écho à celui du contexte politique. On ne peut bien entendu que s’interroger sur le « et si… et si, cela arrivait, que ferions-nous ? ». L’histoire se déroule en 1933, le film de Visconti date de 1969, les élections dans les pays de l’Union Européenne sont en train d’arriver, les prises de conscience se doivent être immédiates.

Qué haré yo con esta espada de Angélica Liddell.

De Ping Pang Qui, présenté en Avignon en 2013 à Te haré invencible con mi derrota, re-présenté quelques rares dates cette saison, Angélica Liddell est une artiste majeure allant jusque dans les tréfonds de l’être humain, exprimant l’indicible, s’exposant sans aucune limite pour questionner.

Dans ce voyage entre Tokyo et Paris, entre la violence d’Issei Segawa – japonais cannibale – et celle des assassins des attentats de Paris, la metteure en scène cherche à faire jaillir les instincts en s’attaquant aux bien-pensants, à la morale d’un autre temps ou moutonnière. Mêlant la beauté, la mort et l’érotisme, la violence réelle et sa transposition mythologique, Qué haré yo con esta espada amènera dans des lieux où nulle tranquillité n’est possible.

2666 de Julien Gosselin.

Attaché aux écritures contemporaines comme celle de Michel Houellebecq et ses Particules élémentaires présenté en 2013 en Avignon et qui rencontra un franc succès, Julien Gosselin bouscule le public au travers de son univers scénique.

Avec 2666 de Roberto Bolaño, cette création longue durée (12h de représentation) est de fait ambitieuse et tout aussi risquée ; il n’en faut pas moins pour transcrire le roman de l’auteur chilien. Le troisième millénaire s’annonce sous le signe de l’apocalypse, un siècle ravagé par les crimes, la décadence d’un vieux continent, la corruption croissante d’une Amérique… Tout se rejoint même si les évènements paraissent détachés et nous ne sommes qu’en 2016.

Tristesses de Anne-Cécile Vandalem.

Anne-Cécile Vandalem axe sa recherche théâtrale autour de la fiction en utilisant celle-ci comme outil pour rompre l’isolement entre les individus.

La jeune metteure en scène belge déroule un polar nordique sur une petite île perdue où deux adolescentes enquêtent sur d’étranges suicides. Inspirée par la montée des nationalismes en Europe et croisant la fiction et la réalité, le théâtre et le cinéma, les vivants et les morts, Anne-Cécile dissèque les armes les plus redoutables de la politique contemporaine.

Karamazov de Jean Bellorini.

Dernier roman du grand écrivain russe Fiodor Dostoïevski, Les Frères Karamazov explore des thèmes philosophiques ou existentiels dans un drame où se mêlent différentes visions morales sur la foi, le doute ou encore la raison.

À la tête du Théâtre Gérard Philippe, centre dramatique national de Saint-Denis depuis 2014, Jean Bellorini fait la part belle aux liens entre musique et théâtre, entre parole et silence pour faire résonner les mots écrits dans la Russie moderne de la fin du XIXème siècle.

Place des héros de Krystian Lupa.

Vienne, Place des Héros, 1938, la population acclame Hitler qui vient d’envahir l’Autriche. Cinquante ans plus tard, le professeur Schuster, vivant toujours dans la hantise de ces clameurs, se suicide sur cette même place.

Écrivain et dramaturge autrichien, Thomas Berhnard a créé Place des Héros en 1988 pour la célébration des 50 ans de l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne ; la pièce fut un véritable scandale politique. Revendiquant l’influence du dramaturge Kantor, Krystian Lupa réinterroge aujourd’hui l’hypocrisie, le sentiment de trahison politique, ce qu’est une nation aujourd’hui dans des sociétés modernes qui semblent se précipiter « dans la religion des médiocres ».

We’re pretty fuckin’far from okay de Lisbeth Gruwez.

Formée à la danse contemporaine au sein de l’école P.A.R.T.S, Lisbeth Gruwez travaille dès 1999 avec Jan Fabre dans la compagnie Troubleyn. Elle rencontre le musicien et compositeur Maarten Van Cauwenberghe avec qui elle fonde la compagnie Voetlolk.

Troisième volet d’une recherche entamée sur le corps extatique, We’re pretty fuckin’far from okay aborde le ressenti d’un individu face à la peur. Une pièce comme expérience immersive, à l’appropriation personnelle, qui interroge sur la possibilité de contrôler l’incontrôlable.

Hearing d’Amir Reza Koohestani.

L’auteur et metteur en scène Amir Reza Koohestani est l’un des rares artistes, acteur majeur de la jeune génération du théâtre iranien, dont on peut voir le travail en Europe.

L’histoire se déroule dans un internat de jeunes filles où celles-ci sont soumises à un interrogatoire. Le dispositif scénique est minimal, la caméra est subjective, l’histoire se répète sous différents angles, la notion du temps se perd dans cette pièce aussi personnelle qu’universelle.

L’ensemble de la programmation est disponible sur le site du Festival d’Avignon.

Kristina D'Agostin

Rédactrice en chef de Carnet d'Art • Journaliste culturelle • Pour m'écrire : contact@carnetdart.com

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