António e Cleópatra

Une vision poétique d’un amour empirique.

António… Cleópatra. António… Cleópatra. António… Cleópatra. António… Cleópatra. António… Cleópatra. António… Cleópatra. António… Cleópatra. António… Cleópatra. António… Cleópatra. António… Cleópatra. António… Cleópatra. António… Cleópatra.

António, c’est Vitor Roriz… Cleópatra, c’est Sofia Dias. Elle parle de lui, lui parle d’elle, ils se répètent, se racontent, se modèlent l’un l’autre dans un chant des mots sublimement chorégraphié : « Cléopâtre dit… », « Antoine dit… », « Cléopâtre respire… », « Antoine inspire… ». Le style est indirect dans la langue portugaise qui se révèle être d’une musicalité incroyable. Assurément, Antoine et Cléopâtre n’auraient pas la même poésie dans une autre langue.

Tiago Rodriguez s’est entouré de ce couple, deux danseurs chorégraphes ; ensemble, ils ont lu et étudié la tragédie de William Shakespeare et Les Vies parallèles de Plutarque. De là est né une réécriture, une recréation très intelligente et bien amenée où l’essence du texte est préservée, où la parole est épure.

Dans ce monde de sentiments, Antoine et Cléopâtre évoluent sans jamais se toucher, sans jamais se frôler. Seules leurs ombres se rencontrent tel un transfuge de leur passion. Cette distance peut aussi évoquer l’espace entre l’Orient et l’Occident, entre Rome et Alexandrie. Le vide est comme sculpté.

Le travail de la gestuelle revêt une beauté esthétique entre ces êtres. Le fait que Sofia Dias soit enceinte apporte une dimension supplémentaire, ne serait-ce que par le sentiment de vouloir protéger ce qui lui est le plus cher, son amour, son enfant, les sentiments s’entremêlent. Cela passe aussi par le travail sur le regard qui prend une dimension politique car ils se savent observés, jugés mais cherchent encore une fois à se préserver.

Les jeux de miroir au travers d’un mobile suspendu – qui n’est pas sans rappeler les œuvres de Calder – évoque un mouvement perpétuel comme si le temps n’avait pas de fin, qu’il n’avait pas d’emprise sur ce couple. Et pourtant, Antoine et Cléopâtre sont dans le présent mais qui n’est pas tout à fait le même présent ; lui est à la limite du futur, elle à la limite du passé. L’étirement du temps est palpable.

La force de ce spectacle réside peut-être dans le fait d’avoir le sentiment qu’il mûrit avec le temps. Le spectateur peut être dérouté dans les premiers instants, mais peu à peu António e Cleópatra prend sens et fait écho quand il s’agit de comprendre le monde au travers de la sensibilité de l’autre.

© Photographie : Christophe Raynaud de Lage

Kristina D'Agostin

Rédactrice en chef de Carnet d'Art • Journaliste culturelle • Pour m'écrire : contact@carnetdart.com

1 Comment

  • […] séquences de « Cleopatra inspira… Antonio expira… » qui scandent la réécriture d’Antoine et Cléopâtre de Shakespeare par Tiago Rodriguez — pièce dont les multiples valeurs esthétiques reposent […]

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