Film / Notfilm

Voir le moindre.

DVD « Film / Notfilm » par Samuel Beckett chez Carlotta Films.

Dans sa seule œuvre cinématographique, « Film », à la perception, Beckett oppose son anéantissement qu’il précise dans son « Aperçu général » : « le perçu de soi soustrait à toute perception étrangère, animale, divine, humaine. La recherche du non-être par suppression de toute perception étrangère ». Et en « fonçant aveuglément vers son illusoire refuge », « O » (incarné par Buster Keaton qui ne comprit rien à un tel projet) en mettant les mains devant ses yeux récuse sa présence d’être au monde, comme si sa propre image était, plus que toutes les autres, redoutable et inimaginable.

Film Notfilm © Carlotta Films.

Rien ne peut plus avoir lieu du noir (dernier plan du film), comme si toutes les capacités et les disponibilités de lumière étaient enrayées. Entre fuite première puis prostration, tout dans « Film » aura été dit ou montré. Et c’est le seul moyen de projeter vers la mort impossible un personnage qui n’existe plus dans le temps et l’espace qu’en tant que volume : debout puis assis il souligne que l’aventure temporelle la plus grande qu’un être puisse rencontrer est celle de cette fin sans fin.

Beckett répond ainsi au souhait de Mercier et de Camier, celui de « se laver l’œil à ce monceau de déserts transparents ». Se « laver l’œil » et non plus se le rincer. L’image, poussée dans une conjonction du proche et du lointain, de l’immédiat et de l’inaccessible, n’est plus un simple morceau d’espace. Sa fonction n’est plus de restituer le réel en pièces détachées, mais de faire ressentir sans la moindre consistance – un corps pris en une sorte de présence absente. Il se retire du monde, comme l’image de l’écran.

Image à la Une © Carlotta Films.

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