Manuel de la félicité

Éléments compilés pour une approche de la félicité ou comment s’imaginer Sisyphe.

Aux négateurs de percolateurs, aux mangeurs de l’eusses-tu cru, aux retournés des aisselles, aux barrés d’ocre noir, aux adeptes des cuillères à spatule, bref à tous les fistons de la détresse, j’adresse ce qui me semble utile afin d’avancer sur la voie de la félicité. Il ne s’agit pas d’un absolu souverain. Que chacun trouve ce qui lui convient.

Les boîtes à A.

Je vais dans la remise. Il y a un bric-à-brac de pièces apportées, de boîtes. Surtout des boîtes. Je les ouvre une à une. Il fait noir dedans, mais ce qui y est caché se met à bouger afin que la nuit ne reste plus collée sur le jour. Il y a là la boîte à rire, la boîte à pleurer et celle à pleurer de rire. La boîte à ouvre-boîte. La boîte à lettres d’amour qui ne s’envient pas. La boîte à malices, la boîte à Alice. La boîte sans fond, la boîte à double fond. La boîte de nuit, la boîte noire. La boîte à lyre et la boîte à relire. La boîte à petits beurres, la boîte de verre à petits pois qui sont rouges. La boîte à mille temps. La boîte à forêts de cygnes. La boîte à que, la boîte à quoi. La boîte à baisers sur la bouche. La boîte à ongles d’Amérique. La boîte à erreurs, la boîte à bottes à nique, la boîte échangiste. La boîte soluble dans ce qu’elle contient et celle qui ne ferme pas. La boîte à iode et à teinture. La boîte à laine fraîche. La boîte à beaux lambeaux de brume. La boîte à Taïaut, Taïaut. La boîte à ferme ta gueule et qui répand l’écot. La boîte à cimes, la boîte à Simone. La boîte à beau voir, la boîte à là-bas, la boîte à Sapho nette. La boîte à revolver. La boîte à fards, à pharmacie. La boîte à pilules à mères. Et celle où la Princesse dort.

Hommes pouvant faire l’affaire pour une princesse au bois dormant proche de l’éveil.

L’écraseur de mégots. Le spectre. La fistule. Le porteur d’hallebardes. La barde à Papa. Le pendu. Le Jean Gibet. Le Jean Giboyeux. Le sans voix parmi les voies. Le des bois. Le des combes. Le vitrier au costume à carreaux. Le baptisé. Le Méphisto fait d’aises. Le cyclope. Le mille pâtes. Le zéro de conduite. Le chauve à l’intérieur de la tête. Le nyctalope. Le chantre des idées reçues. Le somnambule. L’insomniaque rêveur. Le ramoneur savoyard. Le sauteur de trottoirs. Le fumeur de pipe. Le tailleur de costumes. L’absent. Le pilote que rien n’arrête même pas ses freins. Le petit chose. Le menu fretin, le trottant menu. Le complément indirect. Le danseur de claquettes. L’amoureux de Pépette. L’échangeur de l’A41. L’athée divin. Le penseur de rondins. Le sandwich tourneur. L’homme abstrait et son doute suprême.

Femmes idéales pour atteindre le Nirvana.

Les solitaires qui noient l’ascète Narcisse à Sète. Celles dont le corps est en forme de coquetier. Celles aux cheveux poivre et sel. Les bretonnes qui se crêpent le chignon. Les bigotes de Bagnères. Les accroupies voleuses. Les vétérinaires qui ont du chien. Celles dont la fièvre monte à El Paso. Les portugaises assemblées. Les terrines du chef. Les vénérables de lapin. Les croupières. Les moulantes à café. Les pros du pot. Celles qui font l’amour sur le dos en se disant que la peinture du plafond aurait bien besoin d’être refaite. Les ténébreuses. Les inconsolées. Les bergères étoilées. Les aiguilleuses du ciel de lit. Celles qui vont droit au but et les tireuses d’élytre. Les femmes du boulanger (lorsqu’elles montent au rideau). Les choutes de Bruxelles. Celles qui le soir ont mal à la tête. Les femmes de Saint-Claude. Les océanes indiennes. Les immobiles. Les pas si fixes. Celles qu’on ne croise jamais sauf au cinéma. Les servantes au grand cœur qui ne sont pas jalouses. Les petites suisses en boîtes de six. Les visiteuses du soir. La Grande chandelle du Ku Klux Klan. Les quoique et les peut-être. Celles qui ratent leur train. Celles qui disent ça sera mieux demain et les bâilleuses de fond. Celles dont le beau cou plait beaucoup. Les Fanny ardentes. Les Négresses blanches. Les Noires d’ivoire. Les Catherine de mais dis si. Les cantatrices chauves. Les digitales sensitives. Et tout compte fait celle qui veut bien.

Conseils maternels pour atteindre l’ataraxie.

Fais les choses comme elles doivent se faire. Ne sois jamais plus proche de quelqu’un que de ta chaise. Il n’y a pas de soucis que l’opéra bouffe. C’est en regardant l’ombre que le soleil se couche. Accompagner partout une femme ne te conduira nulle part. La barbe à papa se rase avec la bouche. Il y a des morts plus achevées que d’autres. Un thé divin ne fait pas la bonté divine. Il est rare qu’on meure dans les cimetières. Les filles maigres comme un clou rendent les hommes marteaux. Les sœurs siamoises ne s’adonnent pas au plaisir solitaire : fais de même. À tout mur il faut des crépis. Il vaut mieux être assis entre deux chaises que pas assis du tout. Laisse tes mains sur les draps. Ceux qui parlent dans mon dos, mon cul les contemple.

Dis bonjour au facteur surtout quand il sonne deux fois. Arrête de boire la lune. L’homme fait des effets de torse avec un poil dans la main. À trop prêter l’oreille on n’entend plus rien. Réveille-toi assez pour savoir que tu rêves. Je parle pour que tu n’aies pas à le faire. Au lieu de chanter l’apocalypse passe-moi la moutarde. Méfie-toi des Allemands et surtout des Anglais. Le clair-obscur rend dubitatif. Les hommes, tu leur montres un poil et ils voient un pubis. L’éléphant vit dans la hantise d’être trompé. Il y a plus de poissons sans mer que de mères sans poisson. De la première couche qu’on mouille à la dernière qu’on souille, la vie n’est jamais propre. J’aime les horloges qui ne marchent pas : elles clament l’absolu.

Médicaments et appareillages pour les béatitudes.

La Dolly Prane. L’huile de vie d’ange pour les veuves-poignets et les mariées poignantes. L’ode à nonne. L’héroïne de roman. Le décapsuleur à jarretelles. L’onguent pour bat qui blesse. Le sarment pour jeu de paumes. Le piolet à trou de Bâle. Le paso (doble). Le hip (et hop). Le trousseau à oiselle et le trousseur à oiseau. La salle monelle. Le Label du saigneur. Le beau bôt. Les gloutons de panurge. La paire de Goriot. Des spores à drap de plaies mobiles. L’écarteur d’ombre (pour faire hâlé). Le bande haut. Du beau lait de Satan. Du Barnette Newmann. De la liqueur essentielle. Le splendor luxis in tenebris lucet. Le parsolaire à énergie lunaire. Le sanglot long du bas. L’Hextril à spermaton. La jambul de Bayonne. Du collyre à colique. Le veau doux. Le limant d’ongle. La corde pour se pendre. La serpe au lait. La lotion futrique. L’index à trou utron. Le pot lichon. Le sneff qu’on sniffe. Le frais goli. Le lobot semnique. Le jus de pommes cézanien. Le corsage scopique. La verge téléscopique. Du Nutrof. Et un tricot stérile. La barque à vieilles frites. Le sort baie vitaminé. Le balai à poumon. Le derme à thon. Le calcium d’Aix et le calisson de bains. En dernière urgence : une messe à âme morte, un mètre cube de terre, une couronne.

Ainsi finit l’appel aux fistons et sœurettes, à chacun des animaux malades de la peste qui nous hante : Listons fistons ! c’est la seule évidence. Ne pouvons être Dieu imaginons-nous Sisyphe. Que notre West-terne soit toujours plus à l’Ouest, l’infini sur sa faim et le rêve tel un poing sur un riz quand on naît.

Photographie à la Une © Lilia El Golli, Fiat Lux.

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