Romances inciertos : un autre Orlando

Un époustouflant voyage.

François Chaignaud est un artiste singulier que l’on redécouvre à chaque création et qui ne finit pas de nous étonner. Dans Romances inciertos : un autre Orlando, sa nouvelle collaboration avec Nino Laisné, le chorégraphe, interprète et véritable performeur nous emmène dans un époustouflant voyage croisant les cultures, les époques au fil de transformations qui subjuguent par leurs beautés.

Romances inciertos : un autre Orlando © Nino Laisné.

Romances inciertos : un autre Orlando est un objet scénique où dialoguent danse, musique et chant à travers une succession de tableaux dans lesquels nous plongeons avec passion. La figure centrale de cette pièce serait l’Orlando de Virginia Woolf, un androgyne traversant les siècles, refusant une société patriarcale, changeant de sexe et se réveillant femme. Ce personnage interprété ici par François Chaignaud suit cette évolution en le transposant non seulement dans nos sociétés contemporaines mais aussi dans celles passées et futures car l’entité qui est incarnée dépasse la notion de temps. Cette entité évolue au fil de la pièce dans une succession de métamorphoses matérialisées notamment par le changement de costumes dont on peut souligner le travail, la recherche et la minutie qui ont dû être apportés lors de la conception. Ainsi un jeune lord anglais, une Doncella Guerrera (fille guerrière) dans son habit doré et carmin, et une gitane Tarara dans une robe aux tons bleus réalisée dans la pure tradition espagnole, apparaissent tour à tour. Ces métamorphoses font écho dans leur ensemble aux mutations sociétales auxquelles l’humanité est confrontée.

Romances inciertos : un autre Orlando © Nino Laisné.

Ce sentiment est par ailleurs renforcé par une interprétation qui invite au voyage. Non seulement, François Chaignaud traverse les époques mais il transcende également l’espace. Chacun peut transposer ses propres images mais au-delà de ce qui est proposé, peuvent jaillir une multitude de cultures rappelant certaines festivités turques, évoquant en certains points des cérémonies hindouistes, et faisant appel avant tout à la tradition hispanique. Dans ce voyage interculturel et intergénérationnel que l’on peut entrevoir, il apparait que le genre est universel. Peu importe que ce soit un corps d’homme ou de femme qui soit présenté parce que la question du genre est largement dépassée. C’est là une réelle force car nous sommes confrontés à l’évolution d’un être. Une évolution qui est magnifiée à son tour par le chant. Un chant qui subjugue. François Chaignaud est en effet éblouissant et fascinant de part la multiplicité des registres vocaux abordés. On se laisse non seulement emporté sur l’instant mais le livret fourni avec ce spectacle nous permet également de prendre conscience de certaines notions qui auraient pu nous échapper durant le temps de la représentation.

Sur la scène où sont disposées en arc de cercle quelques tapisseries montrant une évolution de la nature presque inquiétante, quatre solistes issus d’ensembles de musiques anciennes ou folkloriques accompagnent François Chaignaud (Pablo Zapico au théorbe et à la guitare baroque, Jean-Baptiste Henry au bandonéon, François Joubert-Caillet pour la viole de gambe et Pere Olivé aux percussions historiques et traditionnelles). Dans cette arène, les mélodies répondent à l’épreuve chorégraphique dont on perçoit une justesse et une précision millimétrée.

Romances inciertos : un autre Orlando est résolument une épopée hybride qui éprouve aussi bien la scène que le spectateur en nous transportant dans une certaine quête d’idéal.

Photographie à la Une © Nino Laisné.

Kristina D'Agostin

Rédactrice en chef de Carnet d'Art • Journaliste culturelle • Pour m'écrire : contact@carnetdart.com

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